VASARI GIORGIO (1511-1574)
Vasari donne, comme certaines figures fortes de la Renaissance, l'impression d'avoir vécu plusieurs existences à la fois. Il est le fondateur de l'histoire de l'art ; son ouvrage extraordinaire et novateur de 1550, les Vite, a connu un succès tellement retentissant qu'une seconde édition a été nécessaire en 1568, mais on ne voit pas que Vasari ait jamais sacrifié à l'érudition une seule commande. Son activité de peintre, d'architecte, puis, après 1553, de « directeur des Beaux-Arts » du grand-duché de Toscane, a été soutenue, ambitieuse et brillante. Interprète insurpassable d'une grande époque, il est aussi l'artiste officiel type : sous ces deux aspects, il est intimement lié à l'« âge des académies » qui clôt la Renaissance.
Un artiste officiel
Né à Arezzo, fils d'artisan et petit-fils d'un potier (d'où son nom), Lazzaro Vasari – auquel il consacrera une intéressante biographie –, Giorgio Vasari fut élève de Rosso et de Bandinelli ; il reçut aussi des leçons du maître verrier français Guillaume de Marcillat. Mais son désir de faire carrière le pousse à copier les œuvres des maîtres à Florence puis à Rome, où il se rend dès 1531. Il recherche les hautes protections, celle d'Ottaviano dei Medici (en 1532), ce qui le lie au milieu médicéen, puis celle du banquier Altoviti, pour qui il peint la palade l'Immaculée Conception (église des Saints-Apôtres, Florence, 1540-1541) ; cet ouvrage est comme la démonstration calculée du nouveau style syncrétique, la version vasarienne de la maniera. Dans une seconde période, il partage son activité entre Venise (1541-1542), Rome (1542-1546), Naples (1545-1546). À Venise, où il a été invité par son compatriote l'Arétin pour le décor d'une comédie (la Talanta), il ne réussit pas à imposer les modèles de l'Italie centrale. À Rome, il entre dans le cercle de Paul III Farnèse et est amené à peindre le fameux décor de la salle des fastes Farnèse à la Chancellerie (1546), réalisé en cent jours et vite célèbre. À Naples, il se présente en initiateur du style moderne, au réfectoire et à l'église de Monte Oliveto, mais sans succès notable. À la fin de 1546, Vasari revient à Florence où il vivra désormais, mais avec des séjours à Rimini (Adoration des Mages, 1548), à Arezzo, où il élève l'église de la Badia (vers 1550), et de nouveau à Rome, où il cherche obstinément la faveur du pontife Jules III.
En 1553, sa carrière prend une tournure définitive avec l'avènement du grand-duc Cosme de Médicis : il va être l'imprésario artistique de la nouvelle cour. Il s'occupe en détail des funérailles solennelles de Michel-Ange (1564). Il dessine des décors pour les noces de François de Médicis et Jeanne d'Autriche, avec la fameuse Mascarade de la généalogie des dieux (mars 1565), dont il publie le livret. Il veille au nouvel aménagement du Palais-Vieux, dirige et réalise avec de nombreux aides les cycles peints de chaque étage (1555-1571), dont il donnera le commentaire détaillé dans les Ragionamenti (écrits entre 1557 et 1567, parus en 1588) où il souligne son intention de montrer des esempi e gesti grandi dans les scènes allégoriques et historiques du salon des Cinq-Cents et les autres grandes salles ; dans les stanze d'Éléonore de Tolède, il a recherché au contraire des effets mineurs d'ingéniosité descriptive, par opposition à cet art de célébration. Il peint de nombreux tableaux d'autel, toujours dans un style complexe et chargé. Il élève le palais des Cavalieri di San Stefano à Pise (1558) et entreprend à partir de 1560 la construction du palais de l'administration grand-ducale avec la galerie étroite et profonde des Offices dont la façade mince en écran sur l'Arno fait un chef-d'œuvre du maniérisme architectural.[...]
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Écrit par
- André CHASTEL : membre de l'Institut, professeur au Collège de France
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