GIORGIONE (1477-1510)
Dans la Venise des toutes premières années du Cinquecento, Giorgione occupe avec Giovanni Bellini une place de premier plan. La peinture de la Renaissance en est à son aube avec Bellini ; sa maturité est préfigurée par Giorgione.
Très connu durant sa brève activité – moins d'une décennie, entre 1500 et 1510 –, Giorgione a été célébré par la littérature artistique du temps comme le symbole du renouveau qui éclatera avec la gloire de Titien et des autres grands créateurs du Cinquecento. Cependant, les informations sur son œuvre sont très peu nombreuses ; d'où les incertitudes qui grèvent la composition de son catalogue. Elle fut alourdie au Seicento par un enrichissement mythique de l'activité du peintre ; en revanche, la critique des périodes ultérieures, plus particulièrement celle d'aujourd'hui, trancha hardiment dans la liste des œuvres, répandant le doute sur les attributions, anémiant la compréhension même de la personnalité poétique de l'artiste. Les études plus récentes ont rectifié la perception du « phénomène Giorgione » en y reconnaissant le cas singulier d'un artiste « engagé » dans le milieu de la philosophie néo-aristotélicienne professée à Venise et à Padoue : il apparaît désormais comme un peintre aristocratique travaillant pour un cercle restreint de beaux esprits, qui injecta dans son œuvre les plus graves motifs de la spiritualité humaniste tout en y projetant sa passion pour la réalité naturaliste.
Le « problème » Giorgione
Parmi les quelque trente œuvres que l'on peut attribuer à Giorgio da Castelfranco, dit Giorgione, selon les recherches modernes, deux seulement portent des inscriptions originales et dignes de foi (la Laura du Kunsthistorisches Museum de Vienne et le Portrait Terris de San Diego en Californie) ; cinq autres sont valablement authentifiées par des sources contemporaines (La Tempête, à l'Académie de Venise, Les Trois Philosophes, au Kunsthistorisches Museum de Vienne, la Vénus couchée de Dresde, Le Christ Vendramin, collection particulière à New York, et les fresques du Fondaco dei Tedeschi à Venise). Pour toutes les autres, il faut se fier aux seuls critères stylistiques. Maintes œuvres, parmi celles qui furent tenues pour autographes, doivent être restituées à Titien, qui fut l'élève de Giorgione et son très jeune émule (Le Concert champêtre du Louvre, La Madone et saints du Prado, L'Adultère de Glasgow, Le Concert du palais Pitti et Le Chevalier de Malte des Offices). Toutes ces attributions hésitantes ont contribué à cristalliser un « problème Giorgione » sur lequel la critique s'est attardée, particulièrement durant la première moitié du xxe siècle, jusqu'à ce que la grande exposition vénitienne de 1955 eût inauguré la phase ultime des études giorgionesques.
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Écrit par
- Terisio PIGNATTI : professeur d'histoire de l'art moderne, faculté des Belles-Lettres, université de Venise
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Médias
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