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INNOCENT III, GIOVANNI LOTARIO comte de SEGNI (1160-1216) pape (1198-1216)

Lothaire, de la famille des comtes de Segni, élu pape le 8 janvier 1198 sous le nom d'Innocent III, est considéré comme le plus grand pontife du Moyen Âge. Il étudia la théologie à Paris et le droit canonique à Bologne, puis fit carrière à la curie et fut nommé cardinal en 1190. Intellectuel et homme d'action, préoccupé en premier lieu de remplir au mieux sa fonction religieuse, il fut un chef à la décision rapide et autoritaire.

Prenant conscience de la situation de l'Occident marquée par les prétentions de l'empereur et par l'affermissement des monarchies française et anglaise, rendu inquiet par les progrès de l'hérésie et par les critiques adressées au clergé, il voulut exalter au mieux la justice et la puissance du Saint-Siège de façon à renforcer la cohésion temporelle et spirituelle de la Chrétienté sous son autorité suprême. Mais il n'entendait pas exercer celle-ci d'une façon directe. Ainsi que l'expriment ses théories politiques inspirées de son maître Huguccio, il estimait que l'empereur et les rois tenaient directement de Dieu leur pouvoir et accomplissaient comme ils l'entendaient leur office dans leur domaine, de même que le pontife dans le sien. Toutefois ce dernier, parce qu'il est le vicaire du Christ, peut exceptionnellement (en l'absence de toute juridiction compétente ici-bas pour arrêter une décision ou en cas de péché grave) se substituer à eux et prendre des mesures à leur encontre.

Pour réaliser un tel programme, il fallait d'abord obtenir de l'Empire qu'il renonçât à la domination de l'Italie afin de préserver la liberté de l'État pontifical. Dès 1198, les princes électeurs germaniques s'étant divisés et ayant élu deux monarques, Innocent III, sollicité, confirma et appuya celui qui lui semblait le plus favorable à sa politique, le guelfe Otton de Brunswick. Il prit fermement position contre le gibelin Philippe de Souabe. Mais, ce dernier ayant été assassiné en 1208, le pape s'opposa alors à Otton qui devenait plus entreprenant, l'excommunia, obtint d'une diète allemande qu'il fût déposé et que fût élu à sa place le jeune Frédéric II, neveu de Philippe et fils du roi de Sicile, Henri VI. Otton tenta de résister, mais perdit tout prestige après sa défaite à Bouvines (1214) et dut abandonner la partie au profit de Frédéric, qui, plus tard, devait être l'un des plus redoutables adversaires de la papauté. Le pontife tira cependant les meilleurs avantages de ces luttes : il agrandit les États de l'Église en Italie.

Il déploya la même énergie dans ses relations avec le roi d'Angleterre, Jean sans Terre, qui refusait l'accession d'Étienne Langton au siège de Canterbury. Il mit l'Angleterre en interdit, déposa le monarque et exigea, lorsque celui-ci sollicita son pardon, une soumission complète (1213), ce qui ne l'empêcha pas de prendre deux ans plus tard la défense du souverain contre les barons révoltés, qui, à ses yeux, menaçaient la paix de la Chrétienté. De même, il jeta l'interdit sur la France, lorsque Philippe Auguste fit illégalement annuler son mariage avec Ingelberg de Danemark pour épouser Agnès de Méran (1200).

Cette politique autoritaire fut conduite avec une énergie d'autant plus grande qu'Innocent III estimait que l'Église devait être puissante afin de mener à bien deux entreprises exceptionnelles : l'une, offensive, la croisade ; l'autre, défensive, la lutte contre l'hérésie.

Dès son avènement et durant tout son pontificat, Innocent III intervint pour organiser une croisade afin de reprendre Jérusalem et la partie des États latins qui avait succombé sous les coups de Saladin en 1187. En 1199, il lança un vibrant appel pour l'expédition, qu'il organisa avec soin ; il essaya de profiter au mieux des[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire du Moyen Âge à l'université de Lyon-II-Lumière

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