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LANCISI GIOVANNI MARIA (1654-1720)

En 1717, le médecin Giovanni Maria Lancisi (1654-1720) publie chez l’éditeur romain Salvioni De noxiispaludumeffluviiseorumqueremediis, qui constitue une des premières, sinon la première description scientifique du paludisme, de ses causes et des manières de s’en prémunir.

Lancisi est à l’époque médecin du pape Clément XI et est à ce titre également en charge de la santé des personnes œuvrant dans les propriétés pontificales. Parmi ces dernières se trouve une vaste zone de part et d’autre de l’embouchure du Tibre, incluant les marais Pontins, connue à l’époque pour être en proie à des fièvres intermittentes. Lancisi recherche les phénomènes auxquels elles sont associées. Pour cela, il s’intéresse aux visiteurs qui subissent un accès de fièvre après avoir visité les marais. Il conclut que les cas de maladie surviennent lorsque ces personnes ont été exposées à certains vents qui balaient les marais, surtout le soir, et qui transportent avec eux des particules et des masses d’insectes, en particulier des moustiques. Lancisi soupçonne que ces derniers apportent des animalcules – il rapporte les avoir observés au microscope mais, en l’absence de dessins, ces observations ne pourront être interprétées – qui vont contaminer les visiteurs. Il retrouve chez les malades décédés un noircissement du cerveau et d’autres organes, qu’il attribue au développement en vers des animalcules chez l’homme. Lancisi émet donc l’hypothèse que les moustiques transmettent à l’homme les animalcules par piqûre, qui vont alors proliférer, de sorte que la fièvre apparaît, puis la mort quand la prolifération est trop importante. Plus encore, il cherche à établir comment les moustiques acquièrent les animalcules. Il échouera dans cette entreprise – ne retrouvant pas d’animalcules chez les insectes qu’il a isolés et nourris avec des terres des marais – et reconnaîtra qu’il n’a pas pu prouver son hypothèse.

La démarche de Lancisi est entièrement fondée sur l’observation et la corrélation entre des faits vérifiés. Son hypothèse est formellement voisine du schéma de transmission du paludisme tel qu’on le reconnaît à la fin du xixe siècle. Pourtant, l’ouvrage de Lancisi n’est pas repris par ces successeurs, sans doute parce qu’il ne conforte pas la théorie des miasmes en vogue depuis la fin du xviie siècle. Il attribue en effet une origine spécifique à la maladie, sous la forme d’un être vivant (l’animalcule), alors que les miasmes sont de nature indéfinie, non vivants et faiblement spécifiques d’une pathologie. L’ouvrage ne sera traduit – partiellement – qu’en 2015.

Pourtant, Lancisi est un praticien célèbre. Né à Rome le 26 octobre 1654 et décédé dans la même ville le 20 janvier 1720, formé à Rome, médecin à dix-huit ans, il se distingue rapidement par la qualité et la rigueur de son travail. Médecin des papes Innocent XI, Clément XI puis Innocent XII, il enseigne également la médecine à l’université de La Sapienza à Rome et y occupe pendant treize ans la chaire d’anatomie. Observateur précis, il est épidémiologiste de maladies humaines, l’exemple du paludisme en est marquant ; il s’intéresse également à la médecine vétérinaire et est le premier à préconiser d’abattre le bétail atteint de peste bovine plutôt que laisser la maladie se répandre. En clinique humaine, on a retenu ses traités sur les maladies du cœur et des vaisseaux. Son ouvrage le plus connu porte sur les morts subites qu’il associe à des atteintes cardiaques et à des ruptures d’anévrismes. L’œuvre de Lancisi est aussi remarquable par son application d’une sorte de méthode anatomoclinique qui relie, dans la description d’une maladie, les troubles observés à des anomalies de l’organe concerné. Cette approche novatrice préfigure celle de René-Théophile-Hyacinthe Laennec au début du [...]

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

Classification

Autres références

  • PESTE BOVINE

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    • 3 154 mots
    • 7 médias
    ...précisions sur cette maladie soient publiées, notamment avec les travaux de Bernardino Ramazzini (1712) de l'université de Padoue (Italie). À la même époque, Giovanni Maria Lancisi, médecin du pape Clément XI, en Italie, et Johann Kanold, en Prusse, démontrèrent la nature transmissible de la maladie et jetèrent...