PIE IX, GIOVANNI MARIA MASTAI FERRETTI (1792-1878) pape (1846-1878)
La personnalité de Pie IX
Pie IX a été exalté par beaucoup comme un saint dès son vivant ; ses qualités d'accueil jointes à sa piété fervente et à sa force d'âme dans les épreuves contribuèrent notablement au développement d'une « dévotion au pape » dont les exagérations sont manifestes mais qui facilita singulièrement le ralliement enthousiaste de beaucoup à une direction de plus en plus centralisée de l'Église. Cependant Pie IX a été regardé par une autre partie de ses contemporains, y compris certains ecclésiastiques et des militants laïcs dont le dévouement à l'Église était indéniable, comme un autocrate vaniteux ou comme un fantoche peu intelligent manœuvré par des réactionnaires obtus. Entre ces deux images unilatérales et simplistes, et bien qu'on manque encore d'une bonne biographie critique, il est possible de dégager dès à présent quelques traits caractéristiques de cette personnalité complexe.
Pie IX a souffert d'un triple handicap. Il avait été atteint dans sa jeunesse d'une maladie de type épileptique et en conserva toujours une émotivité excessive ; celle-ci explique notamment ses fréquentes variations, en fonction du dernier avis entendu, ce qui l'a fait considérer parfois comme un homme hésitant, encore que, lorsqu'il estimait que son devoir était en jeu, il savait se montrer d'une fermeté inébranlable. D'autre part, comme la plupart des ecclésiastiques italiens de son âge, il avait dû se contenter d'études sommaires, et cette formation superficielle l'empêcha souvent de se rendre compte de la complexité des questions en cause ou de la relativité de certaines thèses à propos desquelles on le pressait de se prononcer. Ce défaut était partiellement compensé par la finesse italienne, et il savait apprécier avec bon sens des situations concrètes, du moins lorsqu'elles lui étaient présentées avec exactitude. Malheureusement, et ce fut là son troisième handicap, son entourage n'était pas toujours en mesure de l'éclairer à bon escient, car ses hommes de confiance étaient pour la plupart consciencieux et pleins de zèle, mais assez exaltés et trop souvent marqués par une intransigeance de théoriciens sans contact avec la mentalité contemporaine.
Toutefois, si les limites de Pie IX étaient réelles, et particulièrement regrettables chez un chef appelé de plus en plus fréquemment à trancher seul, il faut aussi lui reconnaître des mérites, loin d'être négligeables. D'abord, il était vraiment un homme simple et bon, d'une délicatesse qui avait des trouvailles exquises et des gestes charmants, ce qui, du reste, n'excluait pas une brutale franchise quand il le jugeait utile. D'autre part, la profondeur de ses sentiments religieux était indiscutable, même s'il attachait trop d'importance aux manifestations du merveilleux et s'il était facilement porté par sa confiance mystique en la Providence à ne voir dans les convulsions politiques où l'Église se trouvait impliquée qu'un nouvel épisode de la grande lutte entre Dieu et Satan, négligeant dès lors d'en faire une analyse technique un peu réaliste. Dès le début de son sacerdoce, à une époque où la plupart des jeunes prêtres romains songeaient surtout à réussir dans la carriera, il avait fait preuve d'un complet détachement à l'égard des honneurs ecclésiastiques. Devenu pape, il continua d'avoir pour souci dominant d'agir toujours en prêtre et en homme d'Église responsable devant Dieu de la défense des valeurs chrétiennes menacées. Ce n'est pas par ambition personnelle ni non plus par goût de la théocratie, par laquelle il fut moins tenté que ne le sera Léon XIII, mais pour des raisons essentiellement pastorales qu'il encouragea toujours davantage les progrès du courant ultramontain et ne cessa d'anathématiser de plus en[...]
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Écrit par
- Roger AUBERT : professeur à l'université de Louvain
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