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PASCOLI GIOVANNI (1855-1912)

Entre la fin du xixe siècle et la première décennie du xxe, Pascoli représente en Italie l'attitude la plus radicalement novatrice. À la différence de Giosue Carducci et de Gabriele D'Annunzio, il témoigne de manière dramatique de la crise des rapports entre l'homme et la nature en un moment où l'optimisme positiviste est en déclin : la nature n'apparaît plus alors comme le théâtre idyllique devant lequel l'âme s'abîme, comblée, en une apaisante contemplation, ni comme le champ où la science a opéré ses conquêtes, rassurantes et prétendues définitives ; elle se présente pleine d'interrogations, de mystères, de signes inquiétants parmi lesquels il devient de plus en plus difficile de se mouvoir sans risquer de sombrer sous les forces obscures qu'on avait eu l'illusion de pouvoir connaître et dominer. De même, la société et l'histoire, en cette période d'agitation et de difficultés qui affectent l'Italie du vivant de Pascoli, semblent livrées à une folle violence et à l'inévitable issue de l'échec : il ne reste à l'homme, quoi qu'il tente ou entreprenne de mettre en œuvre, d'autre solution immédiate que la mort. La signification de la poésie de Pascoli tient précisément à ce qu'il fut l'un des premiers à exprimer, par la finesse de ses créations en matière de langage et de symboles, l'incertitude dramatique et l'inquiétude devant l'existence, ainsi que le caractère obsédant de la pensée de la mort.

Sous le signe de l'épreuve

Giovanni Pascoli naquit à San Mauro di Romagna, petit pays de la province de Forli : son enfance campagnarde fut décisive pour sa formation, ainsi marquée par l'expérience directe et continuelle de la nature, du monde paysan, de ses croyances et de ses coutumes. Son père, fermier d'un très grand propriétaire romain, le prince Torlonia, fut tué d'un coup de fusil en 1867, tandis qu'il revenait du marché de Cesena. Le meurtrier ne fut jamais découvert, bien que Pascoli eût cru l'avoir identifié, comme il le dit dans un de ses célèbres poèmes, La Jument grise (La Cavalla storna). La famille, réduite à la misère, dut quitter le domaine et aller habiter le village. Les malheurs successifs qui la frappèrent (la mort de la mère, en 1868, celle d'un frère et d'une sœur) persuadèrent le poète qu'il était poursuivi par la malignité des hommes et du destin. Ces malheurs sont à l'origine de cette angoisse devant la mort et de ce pessimisme face au mal invincible, leitmotive de l'œuvre de Pascoli. Celui-ci avait néanmoins pu poursuivre des études à peu près normales. À Bologne, alors qu'il fréquentait l'université, il se lança dans l'activité politique, se lia d'amitié avec l'agitateur Andrea Costa, adhéra aux premiers groupes socialistes et composa des odes anarchistes. Arrêté pour avoir fait de la propagande socialiste, il passa plus de trois mois en prison. Cette expérience eut sur lui une double influence : elle le porta, d'une part, à accentuer encore son pessimisme en l'amenant à se considérer comme la victime d'un système qui l'emprisonnait, lui innocent, et qui laissait en liberté l'assassin de son père ; d'autre part, elle le conduisit à étendre au niveau cosmique sa vision d'un monde dominé par le mal et à réduire l'engagement politique à une sorte d'attitude humanitaire. Après son doctorat ès lettres (1882), Pascoli mena une existence presque exclusivement vouée à une carrière d'enseignant, d'abord dans les scuole medie à Matera et à Massa, puis dans les universités de Bologne, de Messine, de Pise, où il enseignait les lettres anciennes, enfin, de nouveau à l'université de Bologne, où il accéda à la chaire de littérature italienne. Il avait, entre-temps,[...]

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