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PASCOLI GIOVANNI (1855-1912)

Un poète précieux et visionnaire

L'œuvre poétique de Pascoli semblerait, à première vue, se diviser nettement en deux parties chronologiquement distinctes. La première comprendrait les recueils et morceaux essentiellement consacrés à la nature et à la campagne : Myricae (1891 ; le titre est tiré d'un vers des Bucoliques de Virgile) ; Poèmes (Poemetti, 1899) ; Nouveaux Poèmes (Nuovi Poemetti, 1904) ; Chants de Castelvecchio (Canti di Castelvecchio, 1903). Ensuite viendraient les œuvres inspirées par la mythologie ou l'histoire et celles qui se rattachent à l'actualité et à la polémique : Pœmi conviviali (publiés en 1905 et ainsi appelés parce qu'ils parurent d'abord dans la revue Il Convito, qui représentait le courant de l'esthétisme italien) ; Odes et hymnes (Odi e inni, 1906) ; Chansons du roi Enzo (Canzoni di re Enzio, 1911) ; Poèmes italiques (Poemi italici, 1912).

En réalité, l'œuvre de Pascoli est à prendre de manière parfaitement synchronique ; elle n'est marquée ni par des ruptures ni par l'histoire : à la même époque que les brèves et profondes poésies lyriques des Myricae et des Canti di Castelvecchio, on y rencontre également les plus ambitieuses tentatives des constructions symboliques ainsi que les célébrations des héros de la science et de la technique modernes, telles que Odi e inni.

Il est donc préférable de considérer cette poésie dans ses constantes, qu'elle s'attache aux menus faits scandant les saisons et la vie des champs, qu'elle réinterprète les mythes anciens ou qu'elle juge les événements contemporains. Pascoli fait preuve, dans toute sa poésie, d'une extraordinaire force de visionnaire. Derrière les réalités les plus simples (un orage, une fleur, un paysage sous la pluie et le vent, une journée ensoleillée en novembre, une cuisine paysanne), il évoque, avec un caractère d'immédiateté fulgurante, les signes de l'erreur et du désordre qui constituent le monde, soustrait désormais au pouvoir et à la connaissance de l'homme. Par le moyen d'allusions, d'analogies, de rapprochements inattendus de substantifs, d'adjectifs, de sons, par des formes métriques toujours plus libres, la parole du poète atteint d'emblée, comme par la force même de la vision, le secret funèbre et délabré qui gît sous l'écorce des choses et elle le traduit en des images apocalyptiques qui, à travers l'apparente simplicité d'un tableau descriptif, sont en réalité des révélations tragiques et définitives. Le point de vue de Pascoli n'est jamais global et objectif : il adopte la perspective tantôt de l'infiniment petit (une goutte de pluie ou un brin d'herbe), tantôt de l'infiniment grand (la vision vertigineuse de l'immensité céleste), l'alternance donnant l'impression d'un bouleversement de toutes les dimensions et de tous les rapports. Les figures de la mythologie et de l'histoire, comme celles de la chronique – Alexandre le Grand et Achille, Solon et Chávez, Andrée et Angelo Fratti, Bismarck et Ulysse – y apparaissent comme symboles de l'échec de l'homme devant la mort. La faillite est la seule issue, désespérée, de toute entreprise héroïque, de celle du héros antique comme de celle de l'aviateur moderne ou du savant à la recherche du pôle. Dans ce monde si hostile à l'homme – jusqu'à annoncer d'une manière de plus en plus prophétique les bouleversements et les désastres qui atteindront notre temps à travers les guerres et les oppressions –, seuls les liens du sang peuvent encore paraître solides ; Pascoli considère tous les autres attachements, l'amour surtout, comme précaires et incertains. Ce nid qu'est la famille a pour participants les vivants et les morts ; et même ceux-ci semblent exister plus réellement que les premiers, en vertu d'une présence obsédante qui requiert un continuel tribut de larmes, de souvenirs, d'hommages, de souffrances (le poète puise abondamment dans tout un riche patrimoine de lugubres légendes et de croyances[...]

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