PALESTRINA GIOVANNI PIERLUIGI DA
Palestrina est un des plus illustres musiciens du xvie siècle. L'époque romantique a vu en lui « le père de l'Harmonie » (Victor Hugo), le sauveur de la musique d'église en péril et en a ainsi donné une image qui ne correspond pas à la réalité. Il ne fut pas un novateur, mais il a su manier en virtuose la technique héritée de ses prédécesseurs franco-flamands et porter à son point de perfection formelle le style polyphonique.
« Chez Palestrina, note un de ses biographes (Félix Raugel), le styliste est plus grand que le musicien. Il représente la musique vocale pure proposée comme idéal de l'art religieux. »
Face au tempérament imaginatif et passionné de son contemporain Roland de Lassus, face aux audaces de madrigalistes comme Luca Marenzio, Marco Antonio Ingegneri, Carlo Gesualdo, il incarne une certaine tradition académique faite de mesure et de sérénité, à laquelle restèrent longtemps fidèles les maîtres de l'école romaine.
Une carrière au service de la papauté
Palestrina n'est pas son nom patronymique, mais celui de sa ville natale, l'antique Préneste, chantée par Virgile et Horace, célèbre par son temple de la Fortune aujourd'hui en ruine, située non loin de Rome dans la région des monts Prenestini. Fils de Sante Pierluigi, humble propriétaire terrien, Giovanni fut d'abord enfant de chœur à la maîtrise de la cathédrale Sant'Agapit. En 1537, âgé d'une douzaine d'années, il figure parmi les chanteurs de la basilique Sainte-Marie-Majeure à Rome. C'est là qu'il reçoit sa formation musicale, principalement de deux Français, Robin Mallapert et Firmin Le Bel, qui se succédèrent à la direction de la maîtrise de la basilique.
En 1544, Giovanni est de retour à Palestrina, s'étant vu offrir le double poste d'organiste et de maître de chant à la cathédrale Sant'Agapit. Années paisibles et laborieuses. Mariage en 1547 avec Lucrezia de Goris, jeune Prénestinienne de bonne famille qui lui apporte un petit pécule et lui donnera trois fils, Rodolfo, Angelo et Iginio.
Un événement allait donner une dimension nouvelle à cette existence modeste : l'ancien évêque de Palestrina, le cardinal del Monte, est élu pape et prend le nom de Jules III. Le nouveau pontife appelle aussitôt le jeune musicien, qu'il estimait, et lui confie la direction de la maîtrise de la chapelle Giulia à Saint-Pierre de Rome. En 1551, Pierluigi et sa famille s'installent définitivement à Rome. Pour remercier son protecteur, le compositeur lui dédie son premier livre de messes : ce Primus Liber, paru en 1554, comportait cinq messes, dont la première, sur le thème Ecce sacerdos magnus, constituait un hommage tout particulier au nouveau pape. Sensible à ce geste, Jules III admit sans examen Palestrina parmi les chantres de la chapelle Sixtine (passe-droit contraire aux usages, qui vaudra au bénéficiaire de sérieuses jalousies).
En 1555, Jules III meurt ; il est remplacé par Marcel II, qui ne devait régner que vingt et un jours. Mais ce pontife éphémère a laissé un nom dans l'histoire, parce qu'il est à l'origine d'une réforme de la musique d'église. Mécontent de la façon dont les chantres de la Sixtine avaient célébré l'office de la semaine sainte, il les convoqua pour les réprimander et les engager désormais à « réciter ce qui devait être récité et chanter ce qui devait être chanté de telle façon que les mots puissent être à la fois entendus et compris ». C'était une invitation à renoncer à une ornementation abusive au profit d'une plus grande clarté et d'un plus grand respect des textes sacrés. Palestrina fit aussitôt son profit de ces observations et les mit en pratique dans la célèbre Messe du pape Marcel qu'il écrivit entre 1555 et 1560 et qui demeure un des sommets de son œuvre.
Marcel II[...]
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Écrit par
- Roger BLANCHARD : musicologue
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Autres références
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- 257 mots
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CHORALE MUSIQUE
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