GIRODET (exposition)
La magistrale rétrospective Girodet, 1767-1824, tenue au musée du Louvre du 22 septembre 2005 au 2 janvier 2006, avant de gagner, légèrement modifiée, l'Art Institute de Chicago, le Metropolitan Museum de New York, puis le musée des Beaux-Arts de Montréal, a remporté à Paris un succès public mérité mais inattendu, l'artiste n'étant vraiment connu que des spécialistes. Elle a permis de le replacer parmi les peintres les plus inventifs et singuliers d'une époque riche en mutations : celle où, de la fin de l'Ancien Régime à la Restauration, est née la France du xixe siècle.
Le parcours de l'exposition avait été mûrement réfléchi par son commissaire, Sylvain Bellenger. La rotonde à l'entrée mettait en valeur un des tableaux majeurs de l'artiste, La Révolte du Caire (1810), peu visible habituellement car conservé au musée de l'Histoire de France à Versailles, et constituant donc un choc esthétique pour la majorité des visiteurs. Il s'agissait là d'une entorse spectaculaire au principe d'un itinéraire fondé sur la chronologie, des débuts de Girodet dans l'atelier de Jacques Louis David, en 1785, jusqu'à l'ultime chef-d'œuvre, Pygmalion et Galatée (1819), récemment acquis par le Louvre. Il était ainsi possible de mesurer l'impact de l'enseignement du maître, aboutissant, après plusieurs essais infructueux, au prix de Rome remporté par Girodet en 1789, avant d'être confronté à ses deux premiers grands formats, le célébrissime Sommeil d'Endymion (1791, Louvre) et, beaucoup moins connu, Le Christ mort soutenu par la Vierge (1789, église Saint-Victor, Montesquieu-Volvestre). Comme Une scène de déluge et Les Funérailles d'Atala (1806 et 1808, Louvre), ces deux tableaux bénéficiaient d'une salle à part, présentés seuls, avec une esquisse ou deux dessins préparatoires, ce qui permettait à la fois de souligner l'importance de ces œuvres et de provoquer la réflexion du spectateur. Les années de Girodet à l'Académie de France à Rome, puis à Naples, avant son retour en France en 1795, étaient illustrées par quelques paysages et par Hippocrate refusant les présents d'Artaxerxès (1792, musée d'Histoire de la médecine, faculté de médecine, Paris), « modèle de vertu » néo-classique offert par le peintre à son tuteur, le docteur Trioson. Un ensemble de dessins sur le thème d'Ossian introduisait ensuite à l'un des tableaux qui ont établi Girodet comme l'artiste du bizarre : L'Apothéose des guerriers français morts pour la patrie pendant la guerre de la Liberté (1801, Malmaison), peinte pour Bonaparte. D'autres commandes décoratives lui permirent d'imposer son talent dans le Paris du Directoire et du Consulat, où il était célèbre, y compris pour le scandale provoqué par Mademoiselle Lange en Danaé (1799, Minneapolis Institute of Art).
Après les grands tableaux de l'Empire, l'exposition prenait un tour thématique avec trois salles consacrées au portrait. Portrait « politique » avec le Chateaubriand (musée de Saint-Malo) que Napoléon, au Salon de 1810, aurait qualifié de « conspirateur qui descend par la cheminée ». Portrait de famille avec les représentations du fils du docteur Trioson, Benoît Agnès, de l'enfance à l'adolescence. Portrait de commande enfin, débouchant naturellement sur les Turcs, Indiens et autres odalisques qui font de Girodet un des tout premiers orientalistes. Enfin venaient plusieurs salles consacrées à l'un des dessinateurs les plus remarquables de son temps, qu'il ait travaillé à l'illustration de recueils de Racine, Virgile, Anacréon, Sapho ou Ossian, qu'il ait eu en vue tel ou tel tableau (réalisé ou non), ou pour le dessin en tant que tel. La sélection rigoureuse présentait ainsi toutes les facettes de son activité, alliant œuvres célèbres et tableaux réapparus[...]
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Écrit par
- Barthélémy JOBERT : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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