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GISLEBERTUS (XIIe s.)

<em>La Tentation d’Ève</em> - crédits : ville d’Autun/ musée Rolin/ cliché J. Piffaut

La Tentation d’Ève

Le nom de Gislebertus, gravé sur le tympan de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun, éclate comme le cri de triomphe d'un artiste fier de son œuvre. Il s'impose aujourd'hui à tout fervent de sculpture romane comme celui d'un artiste des plus étranges. Nous ignorons tout de lui, seule son œuvre palpitante et frémissante de vie proclame, de l'abside au tympan de la cathédrale, son génie. Il apparaît sur le chantier au moment où s'opère un important changement de parti dans la construction de l'abside entre le premier et le second niveau. Certains spécialistes ont supposé, pour cette raison, qu'il fut non seulement sculpteur mais aussi architecte et qu'il avait réussi à imposer un nouveau plan. Quoi qu'il en soit, durant une dizaine d'années environ, de 1125 à 1135, Gislebertus exécute les chapiteaux et le tympan, ou du moins il en surveille l'exécution. Si certains d'entre eux, taillés par un artisan, sont d'une facture plus médiocre, ils ne révélent pas moins le style du maître. Cette unité stylistique de tout l'édifice est si rare qu'elle doit être soulignée. On remarque, en outre, qu'il n'y a pas de véritable évolution. Gislebertus affirme sa maîtrise dès le premier chapiteau exécuté dans l'abside (le Christ en majesté), on la retrouve dans sa dernière œuvre, le tympan qui représente Le Jugement dernier. Il rend le modelé en associant à l'arrondi des formes un graphisme très pur, sensible, en particulier dans l'Ève rampante du linteau d'un portail (musée Rolin, Autun). Les personnages se détachent fortement du fond de la corbeille ou du tympan, mais les plis des vêtements sont indiqués par de légères incisions dans la pierre. Cette technique permet d'obtenir des effets de lumière très subtils : elle glisse en effet sur ces surfaces à peine ébauchées et vient se perdre ensuite.

Gislebertus est un visionnaire : il ne traduit pas la réalité mais la transforme et donne aux corps de ses personnages un allongement démesuré. Il s'en dégage une impression de force et de dynamisme qui est à l'antipode de l'équilibre du tympan de Moissac, œuvre contemporaine. Il a voulu traduire les différentes scènes comme un drame grandiose auquel les humains n'ont pas accès : son ciseau fut à la hauteur de son imagination.

L'artiste n'apparaît pas brusquement pour disparaître aussi brusquement, son œuvre achevée. Il est vraisemblable que Gislebertus se forma sur le chantier de Vézelay où, malgré ses mutilations, l'on trouve des traces de son style sur le tympan primitif de la façade occidentale. Quant à son influence, elle fut diffuse en Bourgogne mais aucune des œuvres qui l'atteste ne peut rivaliser avec le chef-d'œuvre d'Autun.

— Alain ERLANDE-BRANDENBURG

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