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GĪTA-GOVINDA

L'un des plus célèbres poèmes lyriques de la littérature sanskrite. Attribué avec la plus grande vraisemblance à un brahmane bengali du xiie siècle, nommé Jayadéva, le Gīta-Govinda (« célébration du bouvier Krishna ») est, en fait, un petit drame à deux personnages, Krishna et Rādhā, auxquels s'ajoutent quelques comparses. Avatāra (« incarnation ») du dieu Vishnu, le jeune prince Krishna parcourt la campagne non loin du confluent du Gange et de la Yamunā. Bien que marié à Rukminī, il séduit les gopī (« vachères ») en jouant de la flûte et les prend pour maîtresses. L'une d'elles, Rādhā, est sa favorite, mais il la délaisse souvent pour vivre d'autres aventures avec les gopī qu'il rencontre. Le poème de Jayadéva met en scène le désespoir de Rādhā abandonnée une fois de plus. Désespérée, elle se remémore les plaisirs qu'elle goûtait dans les bras de son amant et finit par surmonter son orgueil et par envoyer sa servante auprès de Krishna pour le supplier de venir la rejoindre. De son côté, le jeune dieu, lassé pour un temps de ses fredaines, n'ose revenir à Rādhā, par crainte de son courroux. Il se rend néanmoins aux raisons invoquées par la suivante et retrouve avec joie sa maîtresse ; d'abord rabroué par elle, il sait rapidement lui faire oublier son dépit et les deux amants goûtent à nouveau le plaisir partagé.

Du point de vue littéraire, le Gīta-Govinda est fait de strophes narratives en mètres savants et de poèmes destinés à être chantés (avec accompagnement de musique et de danses). On a l'impression que ces cantilènes forment l'essentiel du texte (lequel apparaît alors comme une sorte de livret d'opéra) et que les parties narratives, de beaucoup les plus courtes, ont été ajoutées après coup pour créer un lien entre ces chansons sentimentales où s'expriment toutes les nuances de l'amour (plainte des amants séparés, souvenirs torturants, joie des retrouvailles, etc.). On est même allé jusqu'à dire que ces cantilènes avaient d'abord existé en vieux bengali et que Jayadéva se serait contenté de les traduire en sanskrit à l'usage des courtisans lettrés du roi Lakshmana. Il paraît plus vraisemblable d'accepter les données de la tradition qui fait de Jayadéva un poète génial, auteur d'une œuvre originale, même si cette œuvre reprend un thème commun de la lyrique hindoue. Bien que très concrètement érotique, le Gīta-Govinda est volontiers tenu pour un texte religieux où s'exprimeraient, comme dans le Cantique des cantiques, les émois mystiques de l'âme humaine qui, séparée de son dieu, aspire à le retrouver et gagne la béatitude au moment où elle réussit à se faire entendre de lui.

— Jean VARENNE

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'université de Lyon-III

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