GIULIO CESARE (G. F. Haendel)
Réception et destin de l'œuvre
Accueillie triomphalement, l'œuvre connaît treize représentations jusqu'au 11 avril 1724. Elle sera reprise trois fois au King's Theatre : du 2 janvier au 9 février 1725 (dix représentations ; six arias ont été ajoutées ; Sesto est devenu un ténor ; Nireno s'est transformé en une suivante soprano, Nerina), du 17 janvier au 31 mars 1730 (onze représentations ; deux arias nouvelles seront écrites pour la soprano italienne Anna Maria Strada del Pò, qui chante Cleopatra) et du 1er au 12 février 1732 (quatre représentations). Elle est donnée en concert à Paris durant l'été de 1724, mise en scène à Brunswick et à Hambourg en 1725 (en allemand) et à Vienne en 1731. Cette popularité exceptionnelle tient aux qualités intrinsèques de la partition, modèle de caractérisation musicale des différents profils psychologiques et d'écriture vocale mise au service de l'expression des passions, caractéristiques assez inhabituelles dans le genre seria. Sur sa quarantaine d'arias – dont huit rien que pour Cléopâtre, qui expriment par la musique toutes les facettes de l'éternel féminin – Giulio Cesare manifeste un niveau exceptionnel d'inspiration, de richesse mélodique, d'inventivité et de brio.
Le Saxon Haendel a fait connaître aux Anglais l'opera seria italien, un genre dont ils ignoraient presque tout. Durant trois décennies, à partir du triomphe de Rinaldo, le 24 février 1711, le compositeur régnera presque sans partage sur la vie lyrique anglaise, en dépit des querelles incessantes qui jalonnent celle-ci : entre partisans d'un opéra national et partisans d'un opéra italien, entre protégés de la noblesse et protégés du roi George Ier, à l'époque de Giulio Cesare. Les opéras de Haendel se maintiendront au répertoire jusqu'au 6 avril 1754, date de la dernière représentation, au King's Theatre, d'Admeto. Mais il semble qu'aucun ouvrage lyrique de Haendel n'ait ensuite été donné nulle part dans le monde. Au milieu du xviiie siècle, des compositeurs et théoriciens, au premier rang desquels Gluck, s'élèveront contre les dérives de l'opera seria. Et il faudra attendre le début des années 1920 pour assister, grâce au musicologue allemand Oskar Hagen, à la « Haendel Renaissance ». Le 5 juillet 1922, Giulio Cesare est « recréé » à Göttingen, dans la version Hagen, où la partition et les tessitures ont subi des altération considérables : les castrats alto, notamment, sont devenus des basses. L'œuvre, et c'est justice, n'a, depuis lors, jamais quitté le répertoire. Mais elle ne sera donnée dans une version fidèle à celle de 1724 que le 20 janvier 1977, au Barber Institute de Birmingham.
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Écrit par
- Timothée PICARD : ancien élève de l'École normale supérieure et de Sciences Po Paris, assistant à l'université Marc Bloch (Strasbourg), critique musical
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Médias