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GIUNTA PISANO (actif entre 1230 et 1254)

Giunta di Capitino, dit Giunta Pisano, natif de Pise, est l'auteur de trois crucifix peints, signés, qui rompent, par leur conception et leur exécution, avec le schéma traditionnel de ce type d'image sacrée, largement répandue en Toscane et en Ombrie depuis le xiie siècle. Exécutés pour Santa Maria degli Angeli à Assise (in situ), pour San Domenico à Bologne (in situ) et pour San Ranierino à Pise (musée de Pise), ils se différencient des réalisations similaires antérieures par la rigueur géométrique de la croix, par sa surface dépouillée de toute peinture narrative, de sorte que le corps du Christ s'en détache avec force et netteté. Le Christ est représenté selon l'iconographie du Christus patiens, mais les signes de la souffrance y sont exprimés de façon plus réaliste, tant dans l'expression du visage que dans la convulsion du corps tendu en arc. Sur les extrémités du bras transversal de la croix, la Vierge et saint Jean, à mi-corps, assistent en larmes à l'événement ; au sommet, l'image du Christ bénissant remplace la scène de l'Ascension.

Saint François d'Assise, G. Pisano - crédits : De Agostini/ Getty Images

Saint François d'Assise, G. Pisano

De ces innovations résulte la puissance concentrée de l'expression, inconnue jusqu'alors ; c'est un tournant décisif dans l'évolution des crucifix peints. Giunta apparaît donc comme une personnalité artistique de premier plan : les historiens lui ont attribué volontiers un rôle de précurseur, au point qu'une vieille tradition, sans fondement mais révélatrice, veut qu'il ait participé aux premiers travaux de décoration de la basilique de Saint-François d'Assise. Son activité, cependant, est trop peu documentée pour qu'on puisse se prononcer avec certitude sur la portée de son influence, qui a probablement débordé le cadre spécialisé du crucifix. Les rares informations que nous possédons sur Giunta concernent l'exécution d'un autre crucifix (perdu) en 1236, pour le général de l'ordre des franciscains à Assise, et un séjour probable à Rome en 1239.

On admet généralement que les ferments novateurs de son langage sont en rapport avec l'humanisation du sentiment religieux, préconisée par saint François d'Assise et diffusée par ses adeptes. Toutefois, l'influence des doctrines franciscaines sur l'art italien des xiiie et xive siècles, assez bien connue, est trop générale pour rendre compte des caractéristiques individuelles de Giunta. Par ailleurs, les tentatives pour élargir le catalogue de ses œuvres au moyen d'analogies stylistiques fragmentaires n'ont pas été retenues. Mais des observations plus concrètes, fondées sur des références précises d'ordre culturel, ont permis récemment de saisir dans l'itinéraire connu de Giunta des articulations significatives ; une utilisation du fruste langage local d'origine byzantine dans le Crucifix d'Assise (env. 1230) ; une ouverture à des suggestions provenant du Latium dans le Crucifix de Bologne (env. 1238) ; l'adoption enfin, dans le Crucifix de Pise (apr. 1240), d'un expressionnisme de souche classique, proche du revival néo-hellénistique byzantin du début du xiiie siècle et provoqué sans doute par la connaissance d'œuvres sorties du scriptorium de Saint-Jean d'Acre, en Terre sainte. Sans s'étendre sur les nouvelles attributions encore hypothétiques que cette révision entraîne, il faut noter que c'est bien en replaçant la personnalité de Giunta dans le contexte stimulant de « récupération » de l'antique qu'on a des chances de mieux expliquer comment cet artiste est parvenu à cette simplification monumentale des formes, à cette intensification du contenu humain de l'image, qui trouvera son expression la plus accomplie en Cimabue.

— Gabriella RÈPACI-COURTOIS

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Saint François d'Assise, G. Pisano - crédits : De Agostini/ Getty Images

Saint François d'Assise, G. Pisano