ARCIMBOLDO GIUSEPPE (1527 env.-1593)
Une peinture de la littérature artistique
Héritier d'une culture mise en place autour de 1500 par les intellectuels de cour (les « rhétoriqueurs »), ce goût se caractérise par un intérêt prononcé pour la virtuosité et pour une approche alchimique du monde, fondée sur l'ambiguïté, la contamination, l'hybridation et la métamorphose. Nourri de valeurs rhétoriques telles que l'inventio et son corollaire la varietas, il s'exprime dans de riches collections, réunies dans des cabinets de curiosités, constituées par l'accumulation d'objets variés – naturels ou artificiels – et dont le rôle de conseiller est, comme on l'a vu, assumé par Giuseppe Arcimboldo lui-même. Ce dernier répond à l'attente d'un public lettré qui, nourri de lectures classiques, cherche à retrouver dans la production contemporaine les catégories décrites en particulier par Pline l'Ancien dans l'Histoire naturelle (Livre XXXV). Ses inventions étranges sont ainsi comparées par le poète Giovan Battista Fontana aux « grylles » et autres monstruosités du peintre égyptien Antiphile, au même titre que celles de Jérôme Bosch, également appréciées dans le milieu des Habsbourg et associées à la même source antique dans les Comentarios de la pintura de Felipe de Guevara (vers 1560). Elles permettent à Giuseppe Arcimboldo d'occuper une niche dans le nouveau panthéon des peintres, à l'heure où renaît la littérature artistique, et d'être étroitement associé à un genre qui devient une sorte de signature reconnue du peintre. Au sein des collections impériales, elles côtoient les œuvres de peintres d'histoire tels que Bartholomeus Spranger ou Hans von Aachen, de peintres de paysage tels que Roelant Savery ou Gillis van Coninxloo, de peintres de nature morte tels que Jan Bruegel de Velours. En conjuguant le portrait à la nature morte, elle joue un rôle déterminant dans la distinction des genres picturaux.
Devenu célèbre dans toute l'Europe, Giuseppe Arcimboldo obtient en 1587 l'autorisation de retourner à Milan, où il passe ses dernières années et où il réalise probablement son Autoportrait de papier (Palazzo Rosso, Gênes), un dessin daté précisément de cette année-là et indiquant sous la forme de rides l'âge de soixante et un ans (ce qui implique une date de naissance en 1526 plutôt que l'année suivante, généralement retenue). Il produit alors des œuvres telles que Le Jardinier/Nature morte de Crémone (Museo Civico) qui représente une corbeille de fruits qui, lorsqu'on la retourne, forme le visage d'un homme barbu. Il continue néanmoins à travailler pour l'empereur Rodolphe II qui le nomme comte palatin en 1592 et pour lequel il réalise une Flore (collection privée) ainsi qu'un Vertumne (Skoklosters Slott, Skokloster). Ce dernier correspond à un portrait déguisé de l'empereur en divinité printanière, dont le buste se compose de fleurs et de fruits et qui symbolise l'éternel printemps apporté par le règne des Habsbourg. Caractérisé par une écriture tranchante et une palette vive, il constitue l'une des œuvres les plus abouties de Giuseppe Arcimboldo qui s'éteint à Milan le 11 juillet 1593, et dont le succès commercial se mesure aux nombreux pastiches produits autour de 1600.
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Écrit par
- Frédéric ELSIG : docteur ès lettres, maître assistant en histoire de l'art médiéval à l'université de Genève (Suisse)
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