MARTUCCI GIUSEPPE (1856-1909)
Pianiste, pédagogue, chef d'orchestre et compositeur (il est le seul véritable symphoniste de cette période de la musique italienne), Giuseppe Martucci, né à Capoue le 6 janvier 1856, fait ses études au Conservatoire de Naples, où il est l'élève, pour le piano, de Beniamino Cesi, disciple de Sigismund Thalberg, et, pour la composition, de Paolo Serrao ; mais il ne semble pas que ce dernier l'ait beaucoup influencé, contrairement à Cesi, qui lui a fait connaître la tradition et la culture musicales paneuropéennes (notamment les romantiques allemands).
Martucci commence en 1875 une carrière de pianiste, qu'il va délaisser à partir de 1881 pour se consacrer à la direction d'orchestre. Il fera découvrir à son auditoire la musique allemande, en particulier Schumann, Liszt, Brahms et Wagner (dont il donne la première représentation italienne de Tristan et Isolde, au Teatro comunale de Bologne, le 2 juin 1888), mais aussi Debussy. De 1886 à 1902, il dirige le Liceo musicale de Bologne (où Ottorino Respighi sera un de ses élèves), qu'il quitte pour prendre la direction du Conservatoire de Naples. Il meurt dans cette ville le 1er juin 1909.
Compositeur tardif – il commence à composer de courtes pièces pour le piano dès l'âge de seize ans, mais sa véritable première œuvre porte le numéro d'opus 40 – ayant éprouvé des difficultés à s'affranchir du dogmatisme classique que lui avait inculqué Paolo Serrao, Giuseppe Martucci a l'immense mérite de faire franchir les Alpes au romantisme allemand et, aux côtés de Giovanni Sgambati et d'Antonio Bazzini, d'être à l'origine du renouveau instrumental et symphonique en son pays. Si son Premier Concerto pour piano, en ré mineur (1878), ne porte guère le sceau de l'originalité, il en est tout autrement de son second, en si bémol mineur, op. 66 (1884-1885), qui marque le début d'une série d'œuvres de musique pure dignes de s'inscrire dans l'histoire (et cela bien au-delà de la signification que celles-ci prennent dans le contexte particulier de l'Italie de cette fin du xixe siècle). Citons encore ses deux symphonies (en ré mineur, op. 75, 1895 ; en fa majeur, op. 81, 1904), qui sont sans nul doute ses pages orchestrales les plus abouties. Nous sommes là face à un Brahms imprégné de lumière italienne, à un Brahms dionysiaque. Et si ces pages obéissent encore aux normes « classiques », le langage évolue quant à lui entre ceux de Mahler et de Puccini par sa densité polyphonique, sa richesse en motifs, la splendeur de ses timbres, la fluidité de son discours, la transparence de ses couches sonores, l'invention de son « contrepoint orchestral » (comme l'aurait dit Schönberg) ainsi que par sa sève mélodique rappelant parfois celle d'un Schubert (sans lui être apparentée stylistiquement parlant). Martucci use en outre d'une prolifération organique de son matériau, un matériau qui se génère de façon cellulaire, mosaïque de motifs et de rythmes en dissémination qui lui servent à atteindre l'unité et la logique de son discours. Autant de caractéristiques de son écriture qui font de lui bien plus qu'un petit maître.
Si nous ne nous attardons pas sur les nombreuses pages symphoniques qu'il écrivit, c'est avant tout parce qu'elles sont pour la plupart issues de pièces pour piano antérieures. Encore faut-il souligner qu'elles sont transcendées par l'écriture orchestrale (Notturno, 1896, d'après l'original pour piano solo daté de 1888, op. 70 no 1 ; Novelletta 1907, version revisitée de l'œuvre pour piano op. 82, datée de 1905). Une des réussites absolues de Martucci est encore La Canzone dei Ricordi, sept lieder pour soprano et orchestre, elle aussi bâtie à partir d'un original pour piano et voix écrit en 1886-1887, mais dont l'orchestration[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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