PENONE GIUSEPPE (1947- )
Né à Garessio (Piémont) en 1947, l'artiste italien Giuseppe Penone vit et travaille à Turin. Il utilise dans son œuvre les éléments de la nature, qu'il connaît profondément depuis son enfance, pour effacer l'élément cultivé de la sculpture : « Créer une sculpture, c'est un geste végétal. » C'est en 1969 qu'il a réalisé son premier « arbre » en enlevant des anneaux de croissance d'une poutre de bois équarrie, dégageant le départ des branches en contournant les nœuds, jusqu'à ce que l'arbre ait retrouvé le volume qu'il avait à vingt-deux ans, l'âge de l'artiste à ce moment-là (Son Être dans sa vingt-deuxième année. Un moment fantastique).
Le choix de la coïncidence de l'âge entre l'artiste et l'arbre suggère cette analogie : l'homme, à l'instar du végétal, est composé de tous les moments qui l'ont fait.
Cette sculpture – qui porte en elle « le caractère naturel de la bonne sculpture » – annonçait déjà le parcours de l'artiste à travers l'Arte povera en quête d'un langage analogique où création humaine et création de la nature s'équivalent.
C'est en 1968 que Penone rejoint le groupe réuni autour de Germano Celant. Il se sent en harmonie avec un art qui revendique le radicalisme du geste simple. D'emblée, en empoignant un arbre, Penone invente une sculpture à main nue. Soucieux de pérenniser le geste, il a ensuite recours à une main d'acier fixée sur l'arbre (Continuera à croître sauf en ce point, 1968). Pierre, corde, arbre (1968) est encore plus simple : une corde végétale qui lie une roche à un arbre rétrécit en séchant après la pluie et la soulève. D'autres « gestes » suivirent : entremêler des arbustes, laisser des empreintes de son corps dans un ruisseau ou ajouter avec de la cire un cerne de croissance à un arbre.
En 1970, il s'ôte symboliquement la vue en portant des lentilles de contact opaques et réfléchissantes, rendant ainsi la sculpture au toucher et à l'idée intérieure (Mettre ses propres yeux à l'envers). Puis il développe l'image photographique de sa propre peau sur une porte-fenêtre comme s'il s'agissait d'une écorce (Dérouler sa peau, 1970-1972). À côté de celle de la taille directe utilisée pour créer d'autres « arbres » (alberi) dans Répéter la forêt (1969-1997), l'artiste se tourne de plus en plus vers les techniques du frottage (Pression, 1974-1981), de la prise d'empreintes (Paupière, 1978-1996) et du moulage. Pommes de terre (1977) et Courges (1978-1979) reproduisent les formes de visages ou de parties de visages humains prises par les légumes placés en terre à l'intérieur de moules. « Image involontaire », la forme est issue de processus vitaux simples : empreintes laissées par le toucher – en 1975, il reprend les traces de doigts laissées sur un vase antique –, Arbre d'eau (1980) obtenu en serrant du plâtre liquide, respiration qui creuse un lit de feuilles (Souffle de feuilles, 1979).
Le Souffle (1978) consiste en une forme d'argile renflée à la base comme une jarre et de la hauteur d'un homme : en s'y appuyant, Penone imprime son corps et creuse avec son souffle une bouche dans la partie haute. L'artiste s'est souvenu des Anthropométries d'Yves Klein et des Nature de Lucio Fontana. La forme sur laquelle Penone prend appui semble gonflée par son propre souffle. Ses multiples incurvations font penser aux dessins du Déluge de Vinci. Les épousailles de l'homme et de la terre ont une valeur sinon mystique, du moins « liturgique » comme le dit très bien l'artiste. La forme finale synthétise, rend visible et répète l'action pleinement vécue et liée aux mythes de la création de l'homme par un souffle divin ou un dieu potier.[...]
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Écrit par
- Thierry DUFRÊNE : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
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