SINOPOLI GIUSEPPE (1946-2001)
Comme ses aînés Felix Mottl, Joseph Keilberth, Franz Konwitschny ou Dimitri Mitropoulos, le chef d'orchestre et compositeur italien Giuseppe Sinopoli est mort en dirigeant, terrassé par une crise cardiaque pendant une représentation d'Aïda à la Deutsche Oper de Berlin.
Ce Vénitien hésitait entre la musique et la médecine. Né le 2 novembre 1946, il soutient une thèse d'anthropologie criminelle et de psychiatrie à l'université de Padoue en 1971. Il mène de front des études musicales au conservatoire de Venise (1965-1967), à Darmstadt (1968) et à Sienne (1969-1973). Ses mentors sont Karlheinz Stockhausen et Franco Donatoni, qui le poussent à composer. À partir de 1972, il travaille la direction d'orchestre à l'Académie de musique de Vienne avec Hans Swarowsky, le maître de Claudio Abbado et de Zubin Mehta. Sa voie est tracée, dans la lignée de l'école de Vienne et de Freud.
Sinopoli fonde en 1975 l'Ensemble Bruno Maderna, consacré à la musique d'avant-garde. Les premières de ses œuvres qui attirent l'attention sur lui sont la Symphonie imaginaire (1973), le Concerto pour piano (1974-1975), Tombeau d'Armor I (1975), II (1977) et III (1978). Son opéra en deux actes Lou Salomé, sur un livret de Karl Dietrich Gräwe qui retrace l'histoire de l'amie de Nietzsche, est créé à la Staatsoper de Munich le 10 mai 1981 sous sa direction ; il en tirera deux suites de concert. Peu à peu, la direction d'orchestre prend le pas sur la composition et son répertoire s'élargit aux œuvres des siècles précédents. Il fait ses débuts à l'opéra en 1978, en dirigeant Aïda à La Fenice de Venise. En 1983, il prend la direction de l'Orchestre de l'Académie Sainte-Cécile de Rome, poste qu'il conserve jusqu'en 1987. En 1984, il succède à Riccardo Muti comme chef permanent du prestigieux Philharmonia de Londres, dont il sera le directeur musical de 1987 à 1995, provoquant de nombreuses réactions par son approche résolument anticonformiste de la direction d'orchestre.
Sa carrière internationale démarre très vite, notamment grâce à un contrat avec la Deutsche Grammophon qui lui permet de diriger les plus grands orchestres européens. Il débute à la Deutsche Oper de Berlin-Ouest et à l'Opéra de Hambourg en 1980, à l'Opéra de Vienne en 1982, au Covent Garden de Londres (Manon Lescaut) en 1983, au Metropolitan Opera de New York (Tosca) et à Bayreuth (Tannhäuser) en 1985. En 1990, il est nommé directeur musical de la Deutsche Oper, mais, ne parvenant pas à s'entendre avec l'intendant Götz Friedrich, il démissionne immédiatement. Il prend en 1992 la direction de la prestigieuse Staatskapelle de Dresde, qu'il ouvre au répertoire contemporain. Il dirige aussi le festival de Taormina (1990-1995). C'est surtout en terre germanique que sa carrière s'épanouit. Sa formation de psychiatre lui donne une approche analytique de la musique qu'apprécient les Allemands, même si ses choix et ses déclarations sont souvent controversés : la partition est pour lui « le lieu où se jouent les pulsions et les désirs du compositeur ». Le chef inexpérimenté, projeté trop vite sur les scènes internationales, assimile peu à peu les ficelles du métier ; il acquiert notamment une précision et un sens de la mise en place qui lui faisaient défaut et qui avaient gâché ses premiers contacts avec certains orchestres, notamment l'Orchestre de Paris, en 1984. Sa remise en cause des traditions de l'interprétation se tempère et il parvient à une maturité qui efface les controverses du passé. Invité régulier du festival de Bayreuth, il y dirige Tannhäuser en 1985, Le Vaisseau fantôme en 1990, Parsifal en 1997 et la nouvelle production de la Tétralogie en 2000. En 1998, il est nommé directeur musical de l'Opéra de Rome, dont il tente de réformer[...]
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Écrit par
- Alain PÂRIS : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France
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