GLISSEMENTS DE TERRAIN
L'exemple du glissement de la Clapière
La Clapière est l'exemple français le plus spectaculaire, par l'évolution constatée depuis 1970. Au cœur du massif cristallin du Mercantour, le glissement est situé en rive gauche de la vallée de la Tinée, à 50 kilomètres de Nice, juste à l'aval du village de Saint-Étienne-de-Tinée, sur la route touristique dite « des grands cols ». Le versant est formé de gneiss plus ou moins micacés, sa partie inférieure est inclinée à 400, localement à 450, sur une hauteur de 650 mètres ; au-dessus la pente diminue, le sommet étant encore 1 000 mètres plus haut.
L'attention a été attirée il y a plus de trente ans par l'apparition d'un décrochement au sommet de la partie raide et la croissance d'un cône d'éboulis. La multiplication des chutes de pierres, puis de gros blocs, a conduit à fermer la route qui passait au pied. Depuis, cette route a été déformée par bombement de la plaine alluviale, puis elle a disparu sous l'avancée du pied du versant. Rétablie d'abord sur l'autre rive, elle a été emportée par la rivière, qui était repoussée par le glissement ; elle a donc été déviée beaucoup plus haut sur le versant rive droite, ainsi que les réseaux de téléphone et d'électricité. La rivière a été dérivée dans un tunnel pour éviter la submersion de Saint-Étienne-de-Tinée en cas de barrage ; dimensionné pour une crue de 100 mètres cubes par seconde, ce tunnel a coûté 300 millions de francs.
La comparaison des photographies aériennes prises en 1952, 1965, 1975 et 1984 a permis d'estimer sur ces trois intervalles d'à peu près une dizaine d'années chacun des vitesses de déplacement toujours croissantes : 40 centimètres par an, puis 60, puis 150. Les mesures géodésiques ont commencé en 1982 et, en 1987, la vitesse a atteint 10 centimètres par jour, après avoir doublé chaque année pendant trois ans ; cette accélération durable laissait prévoir une rupture proche, mais la catastrophe annoncée pour l'été 1987 n'a pas eu lieu et, au contraire, les mouvements ont ralenti, tout en restant de plusieurs millimètres par jour. Depuis 1991, les mesures ont été automatisées et sont transmises chaque jour au centre de surveillance de Nice. Après chaque pointe de vitesse (8 cm par jour en 1994), le ralentissement est analogue à la courbe de décrue d'un cours d'eau. Les déplacements cumulés le long de la cicatrice sommitale dépassent aujourd'hui 80 mètres, et de nouvelles fissures sont apparues au-dessus de la fissure initiale. On estime le volume en mouvement à 50 millions de mètres cubes.
Chaque année, les déplacements sont plus importants au printemps, ce qui met clairement en cause l'eau souterraine : si les apports annuels moyens de pluie et de neige cumulés sont de 936 millimètres par an, certaines années l'apport d'eau au seul mois de mai peut dépasser 1 mètre.
Les environs du glissement ont été divisés en quatre zones de danger classées par ordre décroissant : zone 1 ou zone de « risques majeurs actuels », chutes de blocs (accès interdit sur 200 m au pied des cônes d'éboulis actifs) ; zone 2 ou zone de « risques majeurs durables », glissement de pied et éboulement qui atteignent le village ; zone 3 ou zone de « risques majeurs temporaires », souffle en cas de rupture en masse qui concerne tout le village ; zone 4, extension de la zone 2 en cas de menace d'éboulement localisé. Un « plan particulier de secours » définit les conditions d'évacuation du village sous un délai de 24 heures, en cas d'obstruction de la rivière ou d'accélération des déplacements jugée inquiétante.
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Écrit par
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