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GODEFROID DE FONTAINES (av. 1250-apr. 1305)

Né près de Liège, ce clerc séculier fut étudiant à l'université de Paris vers 1270 et assista à la grande querelle entre Thomas d'Aquin, Gérard d'Abbeville et Siger de Brabant. Puis il suivit les leçons d'Henri de Gand et défendit contre lui le thomisme. Régent de théologie à Paris de 1285 à 1304, il était titulaire de la prévôté de Saint-Séverin de Cologne, puis fut chanoine de Liège, Tournai et Paris ; les maîtres séculiers continuaient d'être entretenus ainsi par des bénéfices sans résidence ni cure, ce qui les mettait en porte-à-faux en face de la pauvreté des maîtres mendiants et religieux. Élu évêque de Tournai, il se désista au cours d'un voyage à Rome et légua trente-huit manuscrits à la Sorbonne dont il était membre. Parmi ceux-ci, on trouve un recueil de jeunesse et un autre de sermons, qui sont remplis de ses scolies et annotations marginales. Ses questions disputées et son De virtutibus sont insuffisamment célèbres. Ses quinze Quodlibeta sont les premiers à être de véritables petits traités, montrant la formalisation sinon la décadence du genre de la dispute et présageant le passage de la grande scolastique à ses épigones du xive siècle. Tout en luttant contre les mendiants et leurs privilèges, Godefroid voulut redorer le blason des maîtres séculiers et évita de suivre Guillaume de Saint-Amour ou Gérard d'Abbeville, préférant renouer avec Philippe le Chancelier et défendre l'attitude qui réconcilie la foi et la théologie par la praxis. Toute sa construction cherche ainsi à dépasser dialectiquement et pratiquement les querelles du temps de sa jeunesse.

Godefroid soutint une théologie ambiguë qui le distingua à la fois de saint Thomas d'Aquin et de Jean Duns Scot. S'il se rattache aisément au premier dans ses Questions quodlibétales et dans ses Commentaires de la Somme théologique du même docteur, il se sépare souvent de lui d'un strict point de vue philosophique : il refuse ainsi la distinction de l'essence et de l'existence et, de ce fait, leur composition réelle dans la créature. L'esse ne doit pas être considéré en tant que chose puisqu'il ne peut exister isolément. Or il n'est de distinction réelle qu'entre les choses.

Dans sa théorie de la connaissance, Godefroid semble se rapprocher de saint Thomas : il nie le rôle de l'intellect agent tel que le décrit Duns Scot et celui de l'« illumination » (de tradition augustinienne) qu'Henri de Gand croit nécessaire à l'intellection des réalités supérieures ; mais, ce faisant, il insiste comme Avicenne sur la passivité de l'intellect, qui abstrait seulement l'essence intelligible du « phantasme » (représentation) de la chose elle-même.

De même, la volonté, pour Godefroid, ne peut être absolument spontanée, puisque, selon Aristote, il est impossible qu'une seule et même chose, en elle-même et isolément, se meuve par soi. La volonté, comme l'intelligence, est donc déterminée par son objet (en tant qu'il est un bien), cause efficiente et sine qua non, et ne se meut elle-même que grâce à l'intervention de la raison. Godefroid parvient cependant à sauver le libre arbitre, en montrant que le bien, qui est l'objet propre de la volonté, n'est jamais absolu dans une réalité quelconque ; la raison n'est donc jamais absolument déterminée et trouve ainsi une marge de liberté.

C'est dire que Godefroid de Fontaines, opposé au caractère spontané de la volonté sociale, n'est pas pour autant inconditionnellement thomiste : il tente, en fait, une synthèse personnelle et singulière des apports du xiiie siècle.

— Olivier JUILLIARD

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