PETRASSI GOFFREDO (1904-2003)
Le compositeur et pédagogue italien Goffredo Petrassi – le plus marquant de sa génération, avec Luigi Dallapiccola – naît dans une famille pauvre de Zagarolo, bourgade du Latium, près de Rome, le 16 juillet 1904. Entre 1913 et 1919, il étudie à la Schola cantorum di San Salvatore de Lauro, dans une atmosphère tout imprégnée d'art baroque et catholique qui exercera sur lui un rôle déterminant.
Après avoir occupé un emploi de commis dans un magasin de musique afin de gagner sa vie, il est admis en 1928 au Conservatorio di Santa Cecilia de Rome, où il suit l'enseignement d'Alessandro Bustini pour le piano et la composition ; il étudie l'orgue avec Fernando Germani et la direction d'orchestre avec Bernardino Molinari. Sa Partita pour orchestre, créée le 2 avril 1933 à l'Augusteo de Rome, le fait connaître au monde musical. Il enseignera l'analyse (1934-1937) à l'Accademia di Santa Cecilia puis la composition au Conservatoire de Rome (1939-1959). Nommé inspecteur des théâtres de l'État italien en 1935, il dirige durant trois ans (1937-1940) le théâtre de la Fenice de Venise et fonde, en 1944, l'ensemble de musique contemporaine Musica Viva. Il préside la Société internationale de musique contemporaine (S.I.M.C.) de 1954 à 1956. Goffredo Petrassi meurt à Rome le 2 mars 2003.
Petrassi est d'abord marqué par l'empreinte de Stravinski, avec lequel il présente par ailleurs bien des points communs : la rigueur contrapuntique, des harmonies ciselées par une instrumentation inventive et toujours surprenante, la richesse de l'univers rythmique, un sens thématique de l'ostinato. Il intègre aussi – de façon singulière et tout à fait personnelle – des concepts baroques à son langage propre. Il sera séduit tardivement, dans les années 1950, par le dodécaphonisme, par l'éclatement du matériau à la Webern. Ce créateur protéiforme, qui adopte comme credo qu'un compositeur doit concevoir sa propre tradition, n'est donc pas prisonnier des étiquettes. Mais, quelle que soit l'esthétique qu'il choisit d'explorer, son style reste des plus reconnaissables.
À ses débuts donc, son langage garde les traces de celui dont il fut aussi l'ami, Alfredo Casella. À cette influence il faut encore ajouter celle de Hindemith ainsi que la volonté affirmée d'unir l'esprit du passé aux techniques du présent. Cette revitalisation de la tradition (qui n'a rien à voir avec le néoclassicisme et encore moins avec l'aspect baroque et conservateur des postmodernes), Petrassi l'accomplit au travers d'œuvres dont la munificence est empreinte de l'héritage de la Renaissance : Psaume IX (1936), Magnificat, pour soprano, chœur et orchestre (1939-1940), Coro di Morti, madrigal dramatique, sur de sombres poèmes de Leopardi, pour chœur d'hommes, trois pianos, cuivres, contrebasses et percussions (1940). Ses ballets (La Follia di Orlando, avec récitatifs pour baryton, 1942-1943 ; Il Ritratto di Don Quixote, 1945), son opéra en un acte Il Cordovano – d'après l'intermède Le Vieux Jaloux, tiré du Jaloux de l'Estramadure, une des Nouvelles exemplaires de Cervantès (1949) –, ou encore sa Sonata di camera, pour clavecin et dix instruments (1948) adoptent pour matériau des archétypes baroques (celui de la sonate préclassique dans la Sonata di camera), et cela afin de réfléchir tout particulièrement sur le rapport timbre/rythme et sur la cohésion interne des éléments constituant le tissu musical. Déjà, dans cette Sonata di camera, l'emploi de procédés canoniques, d'une construction par cellules (ajoutées, retranchées, superposées) est fondé sur une approche originale de la technique sérielle dodécaphonique, approche annonçant ce qui deviendra un peu plus tard la signature pétrassienne, à savoir un processus d'abstraction auquel le créateur[...]
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Écrit par
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
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