GOLEM
Être, le plus souvent de forme humaine, le golem est créé par un acte de magie grâce à la connaissance des dénominations sacrées. Dans le judaïsme, l'apparition du terme golem remonte au Livre des Psaumes et à l'interprétation qu'en donne le Talmud ; il s'agit, dans ce contexte, tantôt d'un être inachevé ou dépourvu de forme définie, tantôt de l'état de la matière brute. Ainsi le Talmud appelle-t-il parfois Adam « golem » quand il veut faire allusion aux douze premières heures de sa vie : il s'agit là d'évoquer son corps encore dénué d'âme. Mais c'est surtout le Sefer Yesirah (le Livre de la Création) et l'exégèse ésotérique qui en fut faite qui développèrent l'idée du golem en relation avec les croyances concernant le pouvoir créatif du discours et des lettres de l'alphabet hébreu.
Selon Gershom Scholem, il convient de distinguer deux traditions très différentes du golem. L'une, proprement spéculative et mystique, s'appuie sur la foi en la puissance du Verbe divin, en celle des lettres du nom de Dieu (le tétragramme sacré) et, plus généralement, dans le pouvoir des lettres de la Tōrah et de leur disposition. Les diverses combinaisons et transformations de ces lettres constituent un mystérieux savoir qui permet de créer. Aux xiie et xiiie siècles, dans les cercles hassidiques de l'Europe centrale, les légendes issues du Talmud étaient interprétées dans un sens symbolique et la fabrication d'un golem ne désignait qu'un certain degré d'élévation intellectuelle et religieuse. Cette tradition ne fait allusion à aucun intérêt matériel que le sage pourrait tirer de la fabrication d'un golem. Ceux qui, au cours d'une réunion mystique, participaient à « l'acte de création » prenaient un peu de terre vierge et en faisaient une idole ; puis ils tournaient autour d'elle en une sorte de danse en prononçant les lettres sacrées et le nom secret de Dieu, selon un ordre et des protocoles détaillés. Le golem prenait alors vie ; quand les initiés inversaient le sens de leur danse ainsi que l'ordre des lettres sacrées, le golem s'écroulait et perdait la vie. Selon d'autres légendes, le mot Emet (la Vérité ou le Sceau du Dieu unique) devait être écrit sur le front du golem ; quand la lettre alef était effacée, ne demeurait plus que le mot met (mort) et le golem s'anéantissait.
Dans la tradition populaire du hassidisme ashkénaze du xve siècle, le golem devint une créature réelle, capable de servir ses maîtres et de remplir les tâches qu'ils lui fixaient. Cette tradition, qui devint extrêmement populaire au xviie siècle, se rattache à la très ancienne croyance en la possibilité de ressusciter un mort en lui mettant dans la bouche (ou sur le bras) un morceau de parchemin sur lequel est inscrit le tétragramme. D'autre part, elle se rapproche beaucoup de nombreuses légendes ésotériques non juives concernant la création d'homoncules (comme on le voit chez Paracelse, par exemple). Enfin, selon cette croyance, le golem, être servile, peut se changer en un être maléfique qu'il convient de détruire pour éviter qu'il ne sème la terreur et la mort.
C'est dans cette dernière tradition que naquit la légende de Rabbi Loeb de Prague : il aurait fabriqué un golem pour en faire son serviteur et aurait été contraint de le détruire quand il commença à semer le trouble dans la ville. Dans son célèbre roman, Gustav Meyrink s'empara de cette légende populaire en lui donnant un sens symbolique et une portée de critique sociale jusqu'alors inconnus.
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Écrit par
- Olivier JUILLIARD : écrivain
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