SAPIENZA GOLIARDA (1924-1996)
Si Goliarda Sapienza s’était contentée de raconter tout simplement sa vie, elle aurait déjà obtenu, à n’en pas douter, un succès considérable.
Née le 10 mai 1924 à Catane, en Sicile, elle est la huitième fille d’une syndicaliste lombarde, Maria Giudice, personnage au cœur des combats sociaux et féministes italiens. D’abord secrétaire de la Chambre de travail de Turin, puis directrice de l’hebdomadaire Il GridodelPopolo où écrivit également Antonio Gramsci, elle se transfère à Catane. Veuve de Carlo Civati, elle devient la compagne d’un avocat socialiste, Giuseppe Sapienza, veuf lui aussi et père de trois enfants. L’enfance de Goliarda est marquée par cet entourage ainsi que par le militantisme de ses parents aux côtés des ouvriers agricoles. Loin des écoles fascistes, elle reçoit une éducation autodidacte, athée et socialiste. Cette enfance est également marquée par les deuils qui précèdent et qui suivent sa naissance, notamment celui d’un des fils de son père dont elle hérite du prénom, Goliardo, mort en 1921, probablement tué par la mafia, véritable bras armé des grands propriétaires terriens.
Une enfant prodige
La jeune Goliarda développe vite un talent de danseuse et de comédienne. En 1941, elle s’installe à Rome avec sa mère et fréquente le conservatoire d’art dramatique. En 1942, son père est arrêté à Catane. L’année suivante, sorti de prison, il organise à Rome un groupe de résistance, la BrigataVespri, auquel Goliarda participe.
À partir de 1945, elle entreprend une carrière de comédienne au théâtre mais également au cinéma, en jouant dans des films de Visconti, Comencini, Blasetti. En 1948, elle commence à vivre avec le cinéaste Citto Maselli qui sera son compagnon pendant vingt ans. C’est à cette époque qu’elle écrit, des poèmes publiés bien plus tard en un recueil (Ancestrale, La Vita Felice, Milan, 2013), et des nouvelles réunies dans le volume Destinocoatto (« Destin forcé », Empiria, Rome, 2002).
En 1962 puis en 1964, elle tente de se suicider et séjourne dans une clinique psychiatrique où elle suit une thérapie d’électrochocs avant d’entrer en analyse. En 1967, l’éditeur Garzanti publie son roman autobiographique Lettera aperta (« Lettre ouverte ») et, en 1969, Il filo di mezzogiorno (« Le fil de midi »). Dans ces deux romans réunis en traduction française sous le titre Le Fil d’une vie, Goliarda Sapienza raconte ses trois années d’analyse et, forte de cette expérience profondément autobiographique, elle s’attèle à partir de 1969 et jusqu’en 1976 à la rédaction de son œuvre majeure, L’Arte della gioia (L’Art de la joie). En 1979, elle épouse Angelo Pellegrino et vit avec lui entre Rome et Gaète. Le 4 octobre 1980, elle est arrêtée pour avoir volé des bijoux dans l’appartement d’une de ses amies. Ce geste – dont elle affirme qu’il était le moyen d’organiser elle-même sa propre arrestation, et donc une forme de provocation –, lui permet de franchir les portes de l’espace carcéral. Il devient le terreau d’une expérience absolument positive, celle de cette vie réelle dont elle parle avec passion dans l'essai L’universitàdi Rebibbia, publié en 1983 par Rizzoli.
Morte le 30 août 1996 à Gaète, Goliarda Sapienza ne verra pas la publication complète de L’Arte della gioia. Une partie seulement paraît en 1994, par les soins de Stampa Alternativa, puis l’intégralité en 1998, avec le sous-titre Romanzo anticlericale. Passé complètement inaperçu en Italie, le livre suscite en Allemagne la curiosité de Waltraud Schwarze, qui l’édite en deux volumes entre 2005 et 2006. Elle le fait lire à Viviane Hamy, qui le publie à son tour en 2005 dans la maison d’édition qui porte son nom. L’immense succès obtenu en France, en Allemagne et dans bien d’autres pays aboutit à une nouvelle édition italienne assurée par Einaudi en 2008. Par la suite, la publication[...]
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Écrit par
- Giovanni JOPPOLO : professeur habilité à diriger des recherches en art moderne et contemporain
Classification
Autres références
-
ITALIE - Langue et littérature
- Écrit par Dominique FERNANDEZ , Angélique LEVI , Davide LUGLIO et Jean-Paul MANGANARO
- 28 412 mots
- 20 médias
Ces années voient aussi paraître le cas littéraire qu’a représenté L’arte della gioia de Goliarda Sapienza (1924-1996), publication posthume en 1998, rapidement devenu un livre culte et parmi les plus traduits dans le monde.