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TORRENTE BALLESTER GONZALO (1910-1999)

Avec Camilo José Cela et Miguel Delibes, Gonzalo Torrente Ballester compose la triade fameuse des écrivains espagnols nés dans les années 1910-1920. À l'instar des romanciers hispano-américains du « réalisme magique », mais puisant son inspiration dans les contes et légendes de sa Galice natale, il a su mêler, dans une œuvre abondante, la réalité et le fantastique, avec une verve puissante, non dénuée d'ironie.

Né à Serantes (El Ferrol) le 13 juin 1910, il passe en Galice une enfance évoquée de façon poétique dans Dafné et les rêves (Dafne y ensueños, 1982). Après des études d'histoire et de droit, il se consacre à l'enseignement et au journalisme. Son premier roman Javier Mariño (1943) évoque, dans le Paris de 1936, les velléités politiques, amoureuses et religieuses d'un aristocrate galicien, qui finit par rejoindre les rangs franquistes.

Les Délices et les ombres (Los gozos y las sombras, 1957-1962) est une fresque décrivant les déchirements de la société provinciale d'un petit port de pêche galicien, pendant la seconde République espagnole, à la veille de la guerre civile. Un halo d'irréalité auréole les personnages. Cette chronique, amère et réaliste, d'une province figée dans ses structures archaïques, est écrite dans une langue d'une grande élégance. La virulence de la critique sociale se prolonge dans Off side (1969), dénonciation des mœurs de l'Espagne contemporaine.

Avec Don Juan (1972), qui réinterprète avec malice le mythe du séducteur, l'auteur, atteint d'« indigestion de réalisme », donne libre cours à son imagination. Fantaisie déchaînée, La Saga/Fuga de J.B (1972) se déroule dans une ville de Galice « pas comme les autres », qui entre en lévitation et s'évanouit dans le ciel. Les personnages, aux initiales identiques à celle du narrateur, José Bastida, reflètent autant d'aspects d'une personnalité évanescente. Les techniques narratives expérimentales et leur parodie, les distorsions du temps, le burlesque et l'ésotérique, l'invention débridée du récit composent un univers foisonnant et fascinant.

L'œuvre se poursuit, visant « l'au-delà du vrai et du faux », dans une alternance de réel et de merveilleux, de jeux de miroirs et de construction savante, de satire et d'humour, le tout « dans un castillan à la mode galicienne », où l'écrivain excelle. Fragments d'apocalypse (Fragmentos de apocalipsis, 1977), rapporte les mésaventures des habitants de Villasanta de la Estrella, faux nom pour Saint-Jacques de Compostelle, tout en proposant une réflexion sur le roman à l'intérieur du roman. Dans L'Île des jardins coupés (La Isla de los jacintos cortados, 1980), la drôlerie et le lyrisme le disputent à l'érudition. Un professeur américain, un peu farfelu, a révélé une sacrée supercherie : Napoléon n'a jamais existé, il est la pure invention de Metternich, Nelson et Chateaubriand, entre autres. Ariadna, l'étudiante grecque, que le professeur tente de séduire, est entraînée par le narrateur, son rival, dans une navigation fantastique qui les mènera jusque dans l'île de la Gorgone. Fantasmagories historiques, intrigues rocambolesques, flammes magiques, scènes d'orgie, propos galants, femmes fatales, complots sordides, bataille navale : tout se confond dans un tourbillon vertigineux.

Les publications se succèdent dans une sorte de frénésie : Le vent peut-être nous mènera à l'infini, (Quizás nos lleve el viento al infinito, 1984) ; La Rose des vents, (La Rosa de los Vientos, 1985) ; Moi, je ne suis pas moi évidemment, (Yo no soy yo evidentemente, 1987) ; Le Roi ébahi : chronique (Crónica del rey pasmado, 1989)... Dans cette polyphonie baroque, les thèmes s'entrecroisent, manifestant une intarissable curiosité devant les mille et une scènes de la[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Universités, membre correspondant de la Real Academia Española

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