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MATTA-CLARK GORDON (1943-1978)

Privilégiant des expériences éphémères ou encore la forme du happening, l'artiste américain Gordon Matta-Clark n'a essentiellement laissé que des traces de ses actions sous la forme de films, de dessins, de photographies, de blocs architecturés issus de découpes faites dans des bâtiments ou encore résultats d'expériences dignes du « Petit chimiste ». À la confluence de plusieurs courants de l'art de la fin des années 1960 et 1970 comme l'art minimal, l'art conceptuel, le process art ou le land art, auxquels il n'a jamais réellement adhéré, Matta-Clark, comme de nombreux artistes qui lui sont contemporains, est particulièrement attaché au processus de création de l'œuvre. Pour lui, ce n'est pas tant le résultat obtenu que le chemin parcouru qui compte, et ce chemin ressemble à une sédimentation par couches successives.

Gordon Matta-Clark est né en 1943 à New York. Comme son père, le peintre surréaliste Roberto Matta, il suit des études d'architecture, puis opte pour la voie artistique. Il déplore le fait que ce qu'il « étudiait tournait toujours autour d'un tel formalisme de la surface qu['il n'a] jamais eu l'intuition de l'ambiguïté d'une structure, de l'ambiguïté d'un lieu », qualité que justement il recherchait. Car, ajoute-il, « c'est, jusqu'à un certain point, l'aspect que je considère comme sculptural : un processus de transformation énergique qui commence à redéfinir ce qui est donné ».

Dès cette époque, alors qu'il étudie à Cornell University, Ithaca dans l'État de New York, il montre un vif intérêt pour les sciences occultes et pour l'alchimie, comme en témoignent ses lectures. En 1969, il réalise ses premières œuvres empreintes de la volonté de transmuer des objets quotidiens, ses « Photo-fry », qu'il obtient en faisant littéralement frire des photographies recouvertes d'une feuille d'or. Il est alors l'assistant de Dennis Oppenheim pour l'exposition Earth Art, première exposition du Land Art à Ithaca. Là, il rencontre Robert Smithson, qui s'intéresse au processus de la création.

Voyant dans la cuisine une forme d'alchimie Matta-Clark ouvre en 1971 à Soho avec quelques amis un restaurant, Food. À la fois lieu d'exposition et de rencontre pour la scène artistique new-yorkaise, Food est aussi une structure permettant aux artistes de gagner leur vie en y travaillant de façon intermittente tout en poursuivant leur activité artistique. Pour restructurer l'aménagement des espaces intérieurs du restaurant, Matta-Clark procède à des découpes et certains des éléments architecturaux ainsi prélevés ont été exposés en 1972.

Gordon Matta-Clark veut pénétrer les différentes strates d'un système en s'immisçant dans ses moindres anfractuosités, pour découvrir l'envers du décor comme on retourne un gant. Ses œuvres les plus spectaculaires sont visibles grâce à des photographies d'édifices qui vont être démolis, et sur lesquels il a exercé des découpes (cuttings) dans les cloisons, les planchers et les façades. Les bâtiments, alors démembrés et fendus de part en part, tiennent debout mais leur équilibre est précaire. En 1974, il réalise Splitting, l'une de ses œuvres les plus célèbres : une maison en bois, construite après la Première Guerre mondiale dans le New Jersey, et qu'il a coupée en deux. Matta-Clark, pour éviter tout lyrisme importun, avait préalablement enlevé les souvenirs trop tangibles des occupants brutalement expulsés, mettant à nu la structure du bâtiment, la fonction et l'articulation du microcosme social que peut représenter ce type de logement standard. Avec Conical Intersect (1975), réalisé dans un immeuble de la rue Beaubourg à Paris, dans un quartier promis à une démolition et à une réhabilitation[...]

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