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PARKS GORDON (1912-2006)

Gordon Parks devra attendre la maturité de ses vingt-six ans pour commencer une carrière de photographe – avant de devenir également cinéaste, écrivain, et compositeur. Pionnier dans plusieurs domaines, il demeurera l'une des figures de la culture populaire noire américaine.

À la mort de sa mère, en 1927, Gordon Parks rejoint sa sœur aînée à Saint Paul, dans le Minnesota. Bientôt livré à lui-même, l'adolescent subit le racisme ambiant et survit grâce à divers emplois – plongeur dans un restaurant, pianiste dans une maison close. Serveur sur un train transcontinental de la North Coast Limited, en 1938, il découvre, dans un illustré abandonné par un voyageur, l'existence de la mission photographique de la Farm Security Administration (F.S.A.), instituée par le président Roosevelt pour venir en aide aux agriculteurs en difficulté... et avec elle, les signatures de photographes aussi marquants que Dorothea Lange, Arthur Rothstein ou Walker Evans. À l'arrêt suivant, Seattle, Gordon Parks, alors déjà marié et père de deux garçons, consacre 7,50 dollars à l'achat d'un appareil Voigtländer Brilliant. Ses premières images, réalisées dans son Kansas natal, révèlent l'influence du style documentaire rigoureux de Walker Evans. C'est pourtant avec la photo de mode que Parks fait ses premières armes de professionnel, auprès d'un couturier en vue de Saint Paul.

Gagnant Chicago, où il tente d'exercer dans une plus ample dimension, Gordon Parks découvre un nouveau territoire. Conduit sur une année, son témoignage sur la misère des ghettos noirs au sud de la mégapole lui vaut d'obtenir, en 1942, la bourse Julius Rosenwald. Cette première reconnaissance est suivie d'une intégration inespérée à la F.S.A., sous la direction de Roy Stryker. C'est là, à Washington, que Parks réalise sa photographie la plus célèbre, American Gothic – en référence au tableau éponyme de Grant Wood (1930). Ella Watson, femme de ménage noire, y pose, très digne, sous le drapeau américain, avec son balai et sa serpillière. Parks sera le premier photographe noir à travailler pour le War Office of Information, documentant l'activité du premier escadron de pilotes afro-américains de l'U.S. Air Force.

Alexander Liberman, directeur artistique de Vogue, lui ouvre les pages de la revue, de 1944 à 1949. Parks publie alors ses premiers livres, techniques, quand Roy Stryker lui commande la réalisation d'un film documentaire pour la Standard Oil Company. En 1948, Parks est le premier photographe noir à intégrer le bureau new-yorkais du magazine Life, auquel il collaborera jusqu'en 1972. Ses investigations photographiques portent sur les gangs noirs de Harlem et la criminalité à Chicago, sur le mouvement pour les droits civiques. Il consacre par ailleurs un essai à Flavio, jeune garçon brésilien, qui donnera son nom à son deuxième film, en 1962. Après The World of Piri Thomas (1968), documentaire sur l'écrivain noir, Parks passe au long-métrage de fiction avec The Learning Tree (1969), tiré de son roman autobiographique décrivant la condition noire dans le Kansas des années 1920. Ce film, dont il compose la musique, est le premier écrit, réalisé et produit, à Hollywood, par un artiste noir.

Le succès de Shaft (1971) lance ensuite le genre dit blaxploitation (où des justiciers noirs défendent le ghetto contre des policiers blancs corrompus), avec le détective « le plus cool » de Harlem, qui devient un héros pour la communauté noire. Puis viennent Shaft's Big Score ! (1972) et The Super Cops (1974). Le moyen-métrage Leadbelly (1976), évocation de la vie mouvementée du chanteur noir Huddie Leadbetter, s'inscrit dans le combat antiraciste que Gordon Parks mènera toute sa vie, et qu'on retrouve dans le téléfilm Solomon Northrup's Odyssey (1984), sur le thème de l'esclavage[...]

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