BÜRGER GOTTFRIED AUGUST (1747-1794)
Né près de Halberstadt dans le Harz, fils de pasteur, Gottfried August Bürger étudie d'abord la théologie avant de se tourner vers le droit. À Göttingen, il fréquente les membres du Göttinger Hain, cercle d'écrivains auquel appartient Voss, traducteur célèbre de L'Iliade et de L'Odyssée. Bürger s'essaye, lui aussi, dans cette voie. Il diffuse en Allemagne sa version des Aventures du baron de Münchhausen (1786), publiées peu auparavant en Angleterre, et sa traduction de Macbeth (1783) ne manque pas d'intérêt. Ayant abandonné son poste de bailli, il prend la direction de l'Almanach des Muses ; dès lors sa situation financière et sa situation personnelle vont s'assombrissant. Il épouse Dorette Leonhart, erreur tragique puisqu'il aime la sœur de celle-ci, la « Molly » de ses poèmes d'amour. À la mort de Dorette, il trouve auprès d'elle un court bonheur : héroïne de l'Élégie (1776), elle sera aussi La Petite Fleur enchantée (Das Blümchen Wunderhold, 1789). Le troisième mariage de Bürger s'achève en catastrophe : beaucoup plus jeune que lui, sa femme le trompe. Miné par la tuberculose, accablé par la critique sévère que Schiller fait de lui lors de l'édition de ses poèmes (1791), Bürger se pend.
À l'automne de 1773 ont été publiées les trente-deux strophes de Lénore dans l'Almanach des Muses. Avec Lénore, un genre nouveau accède à la scène littéraire. La ballade, il est vrai, a toujours existé : les recueils des romantiques anglais et allemands en fournissent la preuve. Tout en respectant la forme traditionnelle (strophe de huit vers et refrain), les sujets et surtout le ton du genre, Bürger arrache la ballade aux hasards de l'anonymat et en fait la création d'un auteur unique.
L'action de Lénore se déroule en 1763, après la paix de Hubertusburg. Lénore assiste au retour des troupes. Ne voyant pas son fiancé, elle doute d'abord de sa fidélité. Sa mère, qui cherche à la consoler en conjurant justice et grâce divines, s'attire un discours véhément. Devant les exhortations maternelles, la douleur de Lénore ne fait que croître. Vient le soir. Lénore entend frapper à sa porte. C'est Wilhelm, son fiancé, qui l'emmène à cheval vers sa demeure. La chevauchée apocalyptique se termine au cimetière, où Wilhelm laisse tomber son armure : il n'est plus qu'un squelette. Face à la mort, Lénore se laisse engloutir avec son fiancé. Si le volume a pu être saisi et interdit à Vienne (on accuse son auteur de sacrilège), les censeurs se sont trompés sur les intentions de Bürger. La force de l'amour arrive à ressusciter Wilhelm, mais, pour que l'ordre divin soit respecté, Lénore, elle, périra.
La fable de Lénore est puisée au trésor indo-germanique. Bürger s'est également inspiré d'un modèle plus précis, Sweet William's Ghost, publié par Percy dans son recueil Reliques of Ancient English Poetry (1765). En outre, il cite lui-même ses sources : une servante lui aurait raconté un conte de fées, célèbre en Allemagne du Nord. Le sujet n'a donc rien de particulièrement neuf, bien qu'en Wilhelm Bürger s'annonce déjà la longue lignée de revenants qui occuperont une place de choix dans la littérature romantique allemande. La forme, en revanche, mérite examen. Bürger opte pour un langage simple, voire populaire. Nul doute quant à l'origine des images évoquées : enfant, Bürger s'est déjà pénétré de la Bible dont, selon le témoignage d'un ami, il aurait préféré à tous les autres livres l'Apocalypse. En outre, l'influence de Luther et d'autres auteurs d'hymnes pieux se fait fortement sentir, en particulier dans le dialogue entre Lénore et sa mère. Cependant, Bürger ne réussit pas toujours à éviter le danger qu'implique le rythme de la ballade ; malgré la variété des césures employées, une monotonie subsiste. À la poésie[...]
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Écrit par
- Lore de CHAMBURE : professeur à l'École allemande de Paris
Classification
Média
Autres références
-
ROMANTISME
- Écrit par Henri PEYRE et Henri ZERNER
- 22 170 mots
- 24 médias
...conscience de lui-même et, alors qu'en Angleterre et en Écosse les novateurs étaient restés des isolés, qui forma un groupe uni dans ce qu'il rejetait. G. A. Bürger (1747-1794), né trois années après Herder, lança dans toute l'Europe le goût des ballades fantastiques. F. M. Klinger, l'auteur du drame...