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FREGE GOTTLOB (1848-1925)

Professeur de mathématiques à l'université d'Iéna, Gottlob Frege est le fondateur de la logique moderne ou logique mathématique, selon l'appellation due à Giuseppe Peano et universellement admise. Longtemps méconnus, ses travaux furent révélés au public savant par Bertrand Russell, qui consacra à l'examen de quelques idées propres à Frege l'appendice B des Principles of Mathematics (1903).

L'œuvre ne peut être classée sous aucune des rubriques usuelles, car le génie de Frege fut de poursuivre selon une analyse entièrement neuve une seule question, le fondement de l'arithmétique, en toutes ses ramifications. Trois domaines, cependant, se partagent son héritage : à la mathématique, il donna la première définition satisfaisante du nombre cardinal, celle de la suite ordinale, analogue à la chaîne de Dedekind et, parallèlement aux travaux de Cantor, une théorie non formelle des ensembles que Zermelo a authentifiée ; en logique, il créa le calcul axiomatique des propositions, la théorie de la quantification et les rudiments de la syntaxe logique ; enfin, composant la proposition à partir d'un concept (ou fonction) saturé par un argument, il mit fin à l'aristotélisme logique, qui analyse tout énoncé en une combinaison de termes, et à l'ontologie associée à une telle analyse. En particulier, il donna les critères qui distinguent le concept de l'objet, vidant de son contenu la querelle sur la réalité des universaux. Ce regard neuf sur les langues bien faites ainsi que la distinction entre le sens et la dénotation d'une expression sont, conjointement à d'autres influences, à l'origine de la philosophie analytique anglo-saxonne et de la philosophie française du concept.

Tel est le fruit de quarante années de recherches solitaires pendant lesquelles Frege connut parfois le découragement ; toutefois chacune de ses découvertes est directement liée au propos initial : la construction logique de l'arithmétique.

La découverte de l'idéographie

Dans un bref opuscule intitulé Begriffsschrift (1879), Frege donnait les éléments fondamentaux, signes et règles du calcul logique qui sont aujourd'hui encore le cœur de la logique mathématique. On a renoncé toutefois aux symboles qu'il a inventés, judicieux mais d'une lecture malaisée. Ils s'enchaînent selon les deux dimensions de la page et requièrent l'arsenal des alphabets grec, latin et gothique, dans le double registre des majuscules et minuscules. L'obscurité du graphisme excuse sans doute l'incompréhension à laquelle se heurta l'ouvrage. L'idéographie est à la fois une langue caractéristique et un calcul logique.

La caractéristique

Pour formaliser le raisonnement arithmétique, Frege conçut une caractéristique apte à dépeindre les actes logiques aussi sûrement que l'arithmétique signale ses opérations. Cependant la logique de Frege n'imite pas l'arithmétique en utilisant les mêmes symboles d'opérations (+, ×), comme le firent Leibniz et Boole ; l'idéographie emprunte à la mathématique un procédé d'algèbre, la double distinction des constantes et des variables, des fonctions et des arguments. Plutôt qu'un emprunt, c'était une restitution à la logique de principes syntaxiques qui lui sont propres. Sur ce préalable, Frege traite les liaisons entre propositions comme des constantes dont la valeur dépend de la valeur de vérité des propositions arguments. Par ailleurs, l'analyse de la proposition en fonction (prédicat) et argument dissout l'illusion linguistique de la copule dont les sens multiples sont reversés sur différentes constantes de prédicat. Selon que le concept est vérifié par tous les arguments, ou par un seul, ou n'est vérifié par aucun, il donne naissance à une proposition universelle, particulière ou négative. Le cœur de[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'École normale supérieure de jeunes filles

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