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FREGE GOTTLOB (1848-1925)

La construction algébrique de l'arithmétique

Avant même que la technique idéographique ait été maîtrisée – ce fut un travail de douze années – Frege exposa en langue naturelle les linéaments de sa construction dans Les Fondements de l'arithmétique (Die Grundlagen der Arithmetik, 1884), après une critique définitive des préjugés empiristes et psychologiques qui semblaient pouvoir l'entraver.

Le développement de l'idéographie

Soit à définir le nombre cardinal sans demander à l'expérience ni ses caractères ni sa donnée de fait ; il doit être conçu comme une « extension de concept ». Ce nouvel outil logique apporté par les Fondements est sans aucun doute un héritage de Port-Royal et de Leibniz. Mais, en reprenant le terme à la tradition, Frege peut, à juste titre, s'attribuer le mérite d'avoir été le premier à lui donner son usage légitime. On entendait jusqu'alors par extension de concept la collection des objets tombant sous ce concept. De là l'ébauche d'une pseudo-loi logique selon laquelle extension et compréhension variaient en sens inverse. De plus, l'extension d'un concept, prise au sens matériel de collection, est dans le cas général indéterminée. D'un concept quelconque on ne peut pas dire s'il subsume ou non quelque individu, sauf à user de l'argument ontologique. En conséquence, le passage d'un concept à son extension devait être le résultat d'une déduction, entendue au sens kantien du terme. Frege sut régler le passage par une loi, et distinguer parmi les concepts ceux auxquels la loi s'applique. Si le concept enveloppe dans son énoncé une relation d'équivalence portant sur des individus discrets, alors l'extension du concept est la classe d'équivalence correspondante. Pour reprendre l'exemple de Frege, le concept « parallèle à la droite a » a pour extension la classe d'équivalence des parallèles à a, ou encore la direction de a. C'est bien là un ensemble et non une classe aristotélicienne, puisque la méthode ne suppose aucune inspection des individus et permet de construire l'ensemble vide. Frege eut le génie, ou le malheur, d'ébaucher une théorie des ensembles remarquablement subtile pour l'époque sous un nom qui était marqué par la tradition et qui en masqua le sens véritable à ses contemporains.

L'idéographie étant accrue de la notion d'extension de concept, Frege définit les applications injectives et bijectives requises pour la définition des cardinaux et la construction purement algébrique de l'arithmétique.

Définition du nombre cardinal

Avant d'appliquer la procédure précédemment décrite, Frege montre, et c'est la découverte essentielle des Fondements, que le nombre ne se dit pas des objets, qu'« attribuer un nombre, c'est énoncer une détermination objective d'un concept ». De plus, on identifie un nombre si on peut l'égaler à un autre nombre déjà connu. Enfin, deux nombres cardinaux seront dits égaux si l'on sait établir une correspondance biunivoque entre les individus tombant sous le concept auquel appartient le premier nombre et ceux tombant sous le concept auquel appartient le second nombre. On dira, par exemple, que dans une société monogame le nombre des époux est identique au nombre des épouses. De ces remarques, et par application directe de la technique idéographique, Frege tira la célèbre définition du nombre cardinal : « Le nombre qui appartient au concept F est l'extension du concept équinumérique au concept F. »

Cette définition énonce que le nombre est l'extension d'un concept de second ordre qui prend pour argument des concepts. Ces concepts doivent ici être équivalents entre eux, comme les droites parallèles sont équivalentes entre elles par la relation d'équinuméricité, qui est une[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'École normale supérieure de jeunes filles

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