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FREGE GOTTLOB (1848-1925)

Le logicisme de Frege

Les deux tomes des Lois fondamentales de l'arithmétique (Grundgesetze der Arithmetik, 1893-1903) constituent le premier traité où l'exposé déductif d'une science est donné intégralement dans la langue idéographique. Les parties en langue commune ont un rôle de commentaire et sont soigneusement séparées de la déduction elle-même. C'est l'exécution partielle – Frege n'écrivit jamais le troisième tome – du programme logiciste.

La deuxième idéographie

Le premier tome s'ouvre sur un nouvel exposé de l'idéographie. Il fallait en effet caractériser par de nouveaux symboles les extensions de concepts et codifier les pratiques algébriques décrites dans les Fondements. Mais, plus que de la définition de nouveaux signes, ce préambule tire son importance des rudiments de syntaxe logique et de sémantique qu'il contient et auxquels Frege a consacré divers articles publiés simultanément.

Une difficulté majeure de l'idéographie était de justifier la présence, au sein d'un même calcul, des connecteurs logiques, dont les arguments et la valeur sont des valeurs de vérité, et des prédicats, dont les arguments sont des individus et les valeurs une valeur de vérité. C'est dans l'article Fonction et concept (Funktion und Begriff, 1891) que Frege mit en évidence leur analogie. En fait, celle-ci n'apparaît pleinement qu'au niveau syntaxique. Le concept, comme toute fonction, a pour image dans la langue logique un signe que l'on dit insaturé et où l'on doit voir la place vide de l'argument, soit Φ ( ). Cette place vide peut être signalée par une lettre syntaxique, appartenant par exemple à un alphabet différent ; et le procédé est nécessaire chaque fois que l'on veut étudier dans la métalangue un caractère syntaxique d'un élément de la langue. La syntaxe logique naquit de ces finesses d'écriture avant d'atteindre la maturité d'une science avec les travaux de Gödel et de Carnap.

L'article Sens et dénotation (Sinn und Bedeutung, 1892) apprend à distinguer le sens d'une expression – ce par quoi deux éléments de la langue s'opposent ou sont synonymes – de la dénotation, qui est la référence de l'expression – ce sur quoi porte la langue. Ce faisant, Frege séparait définitivement la sémantique logique, théorie des dénotations et forme fruste de la théorie des modèles, de la sémantique des linguistes où les « choses signifiées » ont le statut ambigu de réalités ontologiques et intralinguistiques tout à la fois. On trouverait la même rigueur sémantique dans la critique à laquelle Frege soumit le formalisme de Hankel.

L'antinomie

Malheureusement, Frege ne parvint pas à composer un système logique impeccable, et la loi V des Lois fondamentales donna à B. Russell l'occasion de formuler l'antinomie des classes en posant la question suivante : si un concept est défini pour tout argument, quelle est la valeur (vrai ou faux) du concept être une classe qui n'appartient pas à soi-même, si on lui donne sa propre extension pour argument ? Frege ne sut jamais résoudre cette difficulté, tout en maintenant que la solution était dans la voie où il s'était avancé.

Les obstacles auxquels se heurtait la tentative frégéenne eurent pour conséquence la séparation de la logique (calcul pur des prédicats) et de la théorie des ensembles. Celle-ci requiert une langue enrichie de deux constantes de prédicat, l'égalité et l' appartenance. Le sens de ce dernier prédicat binaire est inclus dans les axiomes qui régissent son emploi et constituent la théorie formelle des ensembles. Ainsi l'histoire a-t-elle tranché l'antinomie en plaçant l'appartenance et l'égalité parmi les signes primitifs mathématiques. Le programme logiciste, s'il devait jamais être repris,[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'École normale supérieure de jeunes filles

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