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GOUGES MARIE GOUZE dite OLYMPE DE (1748-1793)

Olympe de Gouges - crédits : incamerastock/ Alamy/ Hemis

Olympe de Gouges

Avec Théroigne de Méricourt et Claire Lacombe, Olympe de Gouges est l'une des héroïnes majeures du premier féminisme français qui se développa sous la Révolution sans parvenir à imposer l'égalité politique des sexes. Née en 1748 à Montauban, elle était peut-être la fille naturelle du marquis Le Franc de Pompignan, piètre versificateur, auquel elle prétendait ressembler. La rumeur lui construisit un roman familial prestigieux en affirmant qu'elle était bâtarde de Louis XV. Elle rectifiait avec malice : « Je ne suis point fille de roi mais d'une tête couronnée de lauriers. » Elle hérita en tout cas du peu de talent littéraire de son père présumé. À dix-sept ans, elle épousa Louis Aubry, officier de bouche de messire de Gourgues, intendant de la ville. Deux ans plus tard, elle lui donna un fils, qui devait la désavouer au moment de sa condamnation. À vingt ans, elle s'enfuit du domicile conjugal. Femme extravagante, à la fois sublime et orgueilleuse, elle s'ennuie à mourir dans son rôle d'épouse bourgeoise et provinciale. Elle rêve de célébrité. À Paris, elle se fabrique un nom à partir du prénom de sa mère et du patronyme « Gourgues », puis devient femme de lettres prolixe. Elle est la maîtresse de Sébastien Mercier et courtisane à l'occasion.

Littéralement transfigurée par l'avènement de la Révolution, qui donne sens à son existence, elle se lance dans la lutte pour l'égalité des droits, où s'exprime alors, pour la première fois sous sa plume, un magnifique talent de visionnaire. Jusqu'à la fuite du souverain à Varennes, elle se veut royaliste. Puis elle change d'avis pour revenir à sa première orientation et proposer d'aider Malesherbes dans sa défense de Louis XVI. Pénétrée des manières de l'Ancien Régime, mais n'ayant pas eu accès à ses privilèges, Olympe souffre de toutes les persécutions imaginaires ou réelles qui entravent sa liberté d'agir ou de créer. Quand un chroniqueur ne rend pas compte de ses œuvres, elle le provoque en duel, et quand, en octobre 1791, l'Assemblée constituante produit une Constitution qui exclut les femmes des droits de cité, elle rend public un texte admirable qui fait date dans les annales du féminisme originel.

Il s'agit de la fameuse Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, calquée point par point sur celle des droits de l'homme. Ce texte est précédé d'un préambule adressé à Marie-Antoinette : « Cette Révolution ne s'opérera que quand toutes les femmes seront pénétrées de leur déplorable sort et des droits qu'elles ont perdus dans la société. Soutenez, Madame, une si belle cause ; défendez ce sexe malheureux et vous aurez bientôt pour vous une moitié du royaume et le tiers au moins de l'autre. » À l'article 10, Olympe de Gouges écrit cette phrase étonnante et prophétique : « Une femme a le droit de monter à l'échafaud, elle doit avoir également celui de monter à la tribune. »

Arrêtée comme girondine, elle tente en vain de faire croire qu'elle est enceinte pour échapper à la guillotine. Elle est exécutée le 6 novembre 1793, après avoir demandé à la postérité de se souvenir d'elle et de l'action qu'elle avait menée en faveur des femmes et dont elle était certaine qu'elle triompherait.

— Élisabeth ROUDINESCO

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'université de Paris-VII, vice-présidente de la Société internationale d'histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse

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Olympe de Gouges - crédits : incamerastock/ Alamy/ Hemis

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