GOULAG
La fin du Goulag
Moins de deux semaines après la mort de Staline, le Goulag est profondément réorganisé (18 mars 1953) : il passe sous la juridiction du ministère de la Justice. Quant à ses infrastructures économiques, elles sont transférées aux ministères civils compétents. Le 27 mars, le gouvernement décrète une amnistie qui libère près de 45 p. 100 des détenus (1 200 000 personnes sur 2 750 000), en majorité des petits délinquants condamnés à des peines inférieures à cinq ans.
En juillet-août 1954, deux nouveaux décrets d'amnistie permettent la libération de certaines catégories de « déplacés spéciaux ». Néanmoins, les « politiques » restent consignés au Goulag jusqu'en 1956-1957. Ce n'est qu'après le XXe congrès du P.C.U.S. (février 1956) que le Goulag se dépeuple rapidement : le nombre des détenus descend sous la barre du million en 1957, pour se stabiliser autour de 500 000 à partir de la fin des années 1950. Par ailleurs, l'immense majorité des « déplacés spéciaux » (pour l'essentiel des ressortissants d'un des nombreux « peuples punis »pour« collaboration avec l'ennemi nazi » – Allemands de la Volga, Tchétchènes, Ingouches, Karatchaïs, Balkars, Tatars de Crimée, Kalmouks, etc.) bénéficie, entre 1954 et 1957, d'une mesure d'amnistie. En 1958, il reste moins de 150 000 « déplacés spéciaux » assignés à résidence.
Le système des camps est profondément remodelé. Le camp post-stalinien réintègre la « normalité », tant dans sa localisation spatiale et ses contingents que dans ses fonctions. Peu à peu disparaît son rôle pionnier dans la colonisation et l'exploitation des richesses naturelles du Grand Nord et de l'Extrême-Orient. Désormais, les camps se réinstallent en majorité dans la partie européenne de l'U.R.S.S. Le détenu n'est plus qu'un droit commun (on compte moins de 2 000 « politiques » condamnés par an dans les années 1960-1970), et l'enfermement reprend la fonction régulatrice qu'il a dans chaque société, gardant toutefois en U.R.S.S. des spécificités propres à un système qui n'est pas celui de l'État de droit. Aux criminels s'ajoutent en effet, au gré de campagnes réprimant sporadiquement tel ou tel comportement soudainement jugé déviant (alcoolisme, hooliganisme, parasitisme, « esprit d'entreprise »), des citoyens « ordinaires ».
Il ne reste plus alors aux grands témoins encore en vie qu’à décrire ce que fut, quatre décennies durant, le Goulag.
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Écrit par
- Nicolas WERTH : directeur de recherche au CNRS
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Média
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