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GOÛT NÉOCLASSIQUE, Mario Praz Fiche de lecture

Goût néoclassique de Mario Praz (1896-1982), foisonnante somme d'essais et d'articles publiés dès 1939 et ensuite enrichi d'éditions en éditions, marque une date dans l'histoire du goût : signal de la réhabilitation du style néoclassique, et en particulier du style Empire, cet ouvrage ouvre le chemin à des études scientifiques qui, en Italie comme dans toute l'Europe et aux États-Unis, eurent un large écho. L'histoire du « goût néo-classique » selon Praz n'est pas en effet seulement l'histoire d'un style, c'est le panorama d'une époque mêlant roman, théâtre, poésie, musique, danse et « tableaux vivants » ; peinture et sculpture y dialoguent avec les arts dits « mineurs » ou « décoratifs », depuis les portraits de groupe jusqu'aux figures de cire. C'est la reconstitution archéologique d'un regard daté, celui des contemporains de Chateaubriand et de Lady Hamilton, de Winckelmann et de David. Le livre vaut donc aussi pour sa méthode : une étude, en apparence fragmentée, de la production artistique d'une époque donnée, qui finit par « faire tableau ».

Retrouver la cohérence d'une époque

Étude fragmentaire, qui n'a rien de décousu (Praz y insiste dans la préface de l'édition originale, malheureusement non reprise dans l'édition française), son livre n'est pas composé d'essais divers réunis « au dernier moment » ; dès l'origine, Praz avait imaginé un cadre cohérent et structuré, « où l'érudition se combine à la fantaisie », pour reconstituer, comme en une mosaïque, la culture d'une époque trop longtemps dédaignée, car tenue de manière réductrice pour un âge de transition, un « préromantisme » qui n'aurait précisément de valeur que par ce qu'il annoncerait. Mario Praz a donc le mérite de renverser, par petites touches, la problématique traditionnelle et son livre, à mesure que les études se succèdent après la guerre, s'enrichit sans cesse jusqu'en 1974, date de la dernière édition préfacée par ses soins. En 1958, il définit ainsi sa méthode : « éclairer le goût d'une époque avec des études portant sur certains de ses aspects caractéristiques sans entreprendre un traitement systématique », travail selon lui parallèle à celui qu'opérait Erich Auerbach avec Mimésis : la représentation de la réalité dans la littérature occidentale qui était paru en 1946.

L'Index du livre permet de se faire une idée de la variété des matériaux brassés par Praz. Son néo-classicisme est aussi bien celui des Antiquités d'Herculanum que des maisons de style georgien, des canons esthétiques de David et de Canova, des palais de Saint-Pétersbourg, de Thomas Hope ou de ceux qu'il nomme les « vieux collectionneurs » – ceux qui avaient ouvert la voie, Paul Marmottan ou Edward Knoblock. S'attachant à la réhabilitation de figures « mineures », Praz redonne leur place à Caroline Murat, à Juliette Récamier, à Jean-Baptiste Isabey, ou à des figures moins célèbres, Sophie Gay ou la princesse Zénaïde Wolkonsky. Il n'hésite pas à convoquer des personnages de fiction, inventés par Tolstoï ou par Proust, témoins du jugement que le xixe siècle formula sur le style Empire. Praz donne dans ce livre l'exemple pionnier d'une culture encyclopédique dans laquelle il circule en tous sens, sans cloisonnement arbitraire.

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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