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GOUVERNANCE, politique

« Gouvernement » et « gouvernance » désignent l'action d'orienter et de mener une action ; mais le premier terme peut sembler reposer sur une conception unilatérale et inégalitaire du pouvoir, alors que le second incarnerait le « pragmatisme », comme en témoigne son usage dans les années 1930 aux États-Unis où il correspond au pilotage de l'entreprise. Lorsque, dans les années 1990, le thème de la gouvernance apparaît dans l'analyse des politiques publiques, il exprime le pragmatisme et l'expérimentation issus directement de l'action elle-même.

Entre science et réformisme politique

Alors que la notion de gouvernement est jugée désuète et la régulation élitiste, la gouvernance serait moderne. L'effacement relatif de la primauté de la politique et de l'État au profit d'une approche plus technique et négociée illustre l'idée qu'il est possible de faire de la politique autrement, en associant des acteurs différents autour de choix collectifs rationnels et de procédures consultatives et délibératives inédites. On assisterait donc, avec la gouvernance, à une double mutation du pouvoir, technique, mais aussi idéologique, car ces nouvelles méthodes de coproduction d'action publique refléteraient la fin des antagonismes classiques et la possibilité d'une autogestion responsable des groupes sociaux. En suivant Patrick Le Galès (Le Retour des villes européennes, 2003), la gouvernance peut être définie comme une méthode de régulation, un processus de coordination d'acteurs, de groupes sociaux, d'institutions, qui coopèrent pour atteindre des buts propres discutés et définis collectivement dans des environnements fragmentés et incertains.

Développé dans les années 1990 par les sciences sociales, le concept de gouvernance correspond, en science politique, au repli de l'État, obligé de s'adapter à la montée en puissance d'acteurs publics et privés qui revendiquent le droit d'influencer la décision politique ou de participer à sa formation. La « gouvernance urbaine » reflète la complexité accrue du « gouvernement des villes » face à la multiplication des acteurs, publics et privés, intervenant sur le territoire. Le terme est par ailleurs utilisé outre-Atlantique pour exprimer une nouvelle méthode d'action : si la gouvernance d'entreprise (corporate governance), dite aussi en français gouvernement d'entreprise, correspond à un management inédit s'appuyant sur l'interaction entre les actionnaires et les dirigeants, la « bonne gouvernance » (good governance) est prônée par la Banque mondiale et les organisations financières internationales pour définir les critères d'une bonne administration publique dans les pays soumis à des programmes d'ajustement structurel. Les organismes de prêt internationaux préconisent, au nom de cette notion, des réformes institutionnelles (lutte contre la corruption, démocratisation des sociétés, libéralisation des services publics, etc.) nécessaires à la réussite de leurs programmes économiques. La « bonne gouvernance » recouvre trois critères : une lisibilité accrue de l'action publique, une bonne comptabilité, la mobilisation des compétences en matière de gestion. La politique de la Banque mondiale a été de former des élites et d'encourager les privatisations et les partenariats entre public et privé ; la « gouvernance globale », qui découle de l'idée précédente, correspond à la volonté de diffuser de nouveaux modes de régulation de la société internationale.

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Écrit par

  • : docteur en science politique, chargé de recherche au Centre interdisciplinaire pour la recherches comparative en sciences sociales, maître de conférences à l'Institut d'études politiques de Paris

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