BUMBRY GRACE (1937-2023)
Grace Ann Melzia Bumbry naît à Saint Louis (Missouri, États-Unis) le 4 janvier 1937 dans une famille noire de condition modeste dont tous les membres pratiquent la musique et chantent dans la chorale de l’église méthodiste de la paroisse. La jeune Grace commence à étudier le piano à sept ans et appartient dès ses douze ans à un premier groupe vocal. Après avoir terminé ses études, elle remporte en 1954 un concours de chant ouvert aux jeunes talents par la radio régionale KMOX. Elle s’illustre la même année au cours de l’émission télévisée « Talent scouts » qu’anime Arthur Godfrey, en interprétant un air périlleux, « O don fatale » du Don Carlo de Verdi. L’accès au conservatoire local étant refusé aux Noirs, elle est admise en 1955, grâce à une bourse, au College of Fine Arts de Boston. La grande soprano wagnérienne Lotte Lehmann, qu’elle rencontre à Chicago, la persuade d’aller étudier à l’académie de musique de l’Ouest, Santa Barbara (Californie), et devient son véritable mentor. Elle bénéficie également à Paris des conseils de Pierre Bernac. L’étendue et l’homogénéité de sa tessiture et les couleurs irradiantes d’une voix aux inflexions sensuelles, dont les reflets sombres sont souvent embrasés d’aigus percutants, lui ouvrent un large éventail d’emplois, des rôles de mezzo aux incarnations de soprano dramatique.
Après avoir réussi en 1958 les épreuves d’audition au Metropolitan Opera de New York, elle est engagée dans la troupe de l’Opéra de Bâle. Mais c’est à Paris qu’elle obtient en 1960 son premier triomphe avec le rôle d’Amneris (Aïda de Verdi). En 1961, elle est la première cantatrice noire à être invitée au festival de Bayreuth. Elle y chante Vénus (Tannhaüser de Wagner) et remporte un éclatant succès mêlé de scandale et de polémique. Ce qui suscitera une réplique courroucée du metteur en scène, Wieland Wagner « Mon grand-père a écrit pour les couleurs de voix et non pour les couleurs de peau » qui demande à la « Vénus noire » de revenir l’année suivante. Les plus grandes scènes lyriques ne résistent pas à sa puissance dramatique et lui offrent les rôles majeurs du répertoire : Lady Macbeth (Macbeth de Verdi) en 1964, Eboli (Don Carlo de Verdi) en 1965, Carmen (Carmen de Bizet) en 1966 au festival de Salzbourg, Santuzza (Cavalleriarusticana de Mascagni) en 1970 à l’Opéra de Vienne, Salomé (Salomé de Richard Strauss) en 1970, Tosca (Tosca de Puccini) en 1974 au Covent Garden de Londres, Jenufa (Jenufa de Janáček) en 1974 à la Scala de Milan, Ariane (Ariane et Barbe-Bleue de Dukas) en 1974, Bess (Porgy and Bess de Gershwin) en 1985 au Metropolitan Opera de New York, Cassandre (Les Troyens de Berlioz) en 1991 à l’Opéra de Paris et Turandot (Turandot de Puccini) en 1991 à l’Opéra de Sydney.
Grace Bumbry fait ses adieux à l’Opéra de Lyon en 1997 sous les traits de Clytemnestre (Elektrade Richard Strauss), mais apparaîtra encore sur scène en 2010 à Paris avec Monisha (Treemonishade Scott Joplin) et, en 2013, à Vienne avec le personnage de la comtesse (La Dame de pique de Tchaïkovski). Elle partage alors son temps entre la pratique des lieder et l’enseignement. Elle crée également The Black Musical Heritage, spécialisé dans les spirituals et le gospel. Au cours de sa brillante carrière, elle a côtoyé les plus grandes voix – Birgit Nilsson, Jon Vickers, Montserrat Caballé, Placido Domingo, Victoria de los Angeles, John Sutherland ou Dietrich Fischer-Dieskau – qui trouvent un fidèle reflet dans sa discographie. On note aussi quelques œuvres moins attendues comme Le Messie de Haendel, Orfeo edEuridice de Gluck, Samson et Dalila de Saint-Saëns ou encore Le Cid de Massenet.
Grace Bumbry meurt à Vienne (Autriche) le 7 mai 2023.
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Écrit par
- Pierre BRETON : musicographe
Classification
Média