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GRÂCE

L'histoire du problème de la grâce

On peut, à bon droit, présenter toute l'histoire de l'Église comme une lutte pour affirmer la gratuité de la grâce. Déjà, à la génération apostolique, c'est le sens de l'affrontement majeur entre le judéo-christianisme représenté par Pierre et la mission universaliste incarnée en Paul ; toute l'activité apostolique, et en particulier littéraire, de ce dernier est un combat de tous les instants pour que l'évangile annoncé par l'Église ne soit que grâce.

Augustin et le pélagianisme

Par la suite, en face de ces hérauts de la grâce que furent Tertullien au iiie siècle et saint Augustin au ive siècle, la spéculation se développe dans le but d'établir exactement quel est le rapport entre la grâce, de plus en plus comprise comme une substance spirituelle, une force divine à la disposition de l'Église et infusée à la nature humaine par les sacrements, un courant spirituel au moyen duquel le fidèle pourra mériter de nouvelles grâces, et la nature de l'homme, sa liberté et son pouvoir de décision. Contre Augustin, Pélage affirme que l'homme collabore avec Dieu à l'obtention et à la réalisation du salut : c'est la doctrine du synergisme. Et tandis qu'Augustin défend avec acharnement l'exclusivité de la grâce dans la régénération de l'homme et finit par faire condamner Pélage, l'Église opte pour une position intermédiaire ( semi-pélagianisme) selon laquelle la grâce a, certes, l'initiative, mais intervient avant tout pour déclencher en l'homme les potentialités bonnes qu'il porte en lui et dont l'action méritoire obtiendra, si elle persévère, la béatitude éternelle. Augustin, lui, disait, sans concession aucune, que la grâce, pleinement suffisante, donne à l'homme la foi, l'espérance et l'amour.

La Réforme

Au Moyen Âge, l'opposition se poursuit entre, d'une part, les semi-pélagiens, comme Vincent de Lérins, les néo-pélagiens, comme les nominalistes Occam et Biel, et, d'autre part, les représentants d'une tendance plus augustinienne comme Thomas d'Aquin, Bonaventure, Duns Scot ; mais à la Réforme le conflit rebondit avec une extrême rigueur, toute l'œuvre du moine augustinien, devenu le réformateur Martin Luther, n'étant qu'un incessant et passionné plaidoyer pour la grâce : son interprétation de tout l'Évangile à travers la doctrine de la justification par la foi seule est une affirmation inconditionnelle de la pleine et exclusive suffisance de la grâce. Malgré sa condamnation par Rome et malgré l'œuvre doctrinale du Concile de Trente, confirmant la ligne semi-pélagienne, les controverses continuent jusqu'au profond renouveau biblique, caractéristique de l'évolution des Églises aussi bien catholique que protestante, depuis le début du xxe siècle. Celui-ci apporte deux éléments essentiels : d'une part, la redécouverte fondamentale que la grâce n'est pas une substance mais une personne ; d'autre part, la possibilité d'une lecture commune, scientifique et spirituelle, de l'Écriture et de l'approfondissement de son message central de la justification par grâce (cf. la nouvelle version française de l'Épître aux Romains, texte clé des controverses passées, avec introduction et notes communes, par ex. sur iii, 24 a ; iii, 28 a ; iv , 2 a ; x, 9 a... dans la Traduction œcuménique de la Bible).

Actuellement, après des siècles de divisions sur le thème de la grâce, on peut dire que l' œcuménisme a permis de réaliser un large consensus, et que la frontière des affrontements confessionnels ne passe plus par ce point, jadis si brûlant. Ce qui ne veut pas dire que la gratuité de l'Évangile soit admise par tous ceux qui se réclament du Christ !

Interprétation[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État en théologie, administrateur du musée Calvin de Noyon

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Autres références

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  • BAÏUS MICHEL DE BAY dit (1513-1589)

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