RAMOS GRACILIANO (1892-1953)
Graciliano Ramos est un écrivain représentatif du roman du Nordeste brésilien, d'où proviennent, à partir du modernisme (1922) et plus précisément de sa seconde phase (1930), les grands noms qui, contre l'expérimentalisme de l'avant-garde de São Paulo, vont infléchir ce moment décisif de la littérature brésilienne vers une thématique régionaliste et sociale, enracinée dans les tragédies de ces terres de misère et d'oppression. Mais si le premier livre de Graciliano Ramos, Caetes, écrit en 1925, publié en 1933, sacrifie encore au naturalisme, son œuvre est à l'opposé d'une écriture torrentielle et sensualiste, à laquelle elle préfère un style tout de rigueur et de sobriété, attentif à la composition de l'œuvre. Qualités qui se précisent avec éclat dans São Bernardo (1934), premier volume d'une trilogie, avec Angustia (1936, Angoisse) et Vidas Secas (1938, Sécheresse).
Caetes était déjà la satire des avatars de l'indianisme romantique. Toute l'œuvre relativement brève de Graciliano Ramos est écrite contre cette tradition. Refusant les tentations épiques et folkloriques et les facilités de la couleur locale, l'écrivain se singularise par une esthétique réaliste, proche parfois du « roman engagé ». Écrivain sans formation universitaire, il passe son enfance dans plusieurs régions de ce Nordeste qu'il évoquera dans Infancia (1945, Enfance) ; fonctionnaire à Rio en 1914, il retourne dans la région de l'Alagoas et devient en 1927 maire de sa ville natale, Maceio. D'où une connaissance intime des problèmes politiques et sociaux qui le fera accuser de communisme et le conduira en prison en 1936 alors qu'il est directeur de l'instruction publique. On peut voir dans ses Memorias do Carcere (1953, Mémoires de prison), dénonciation de la dictature de Getulio Vargas et libelle contre le retard culturel du pays, l'homologue brésilien de Souvenirs de la maison des morts, de Dostoïevski. Graciliano Ramos adhère en 1945 au Parti communiste et voyage alors en Tchécoslovaquie et en Union soviétique (Viagens, 1954).
Son œuvre ne relève cependant ni du roman prolétarien ni du roman régionaliste. Sa singularité est de se situer dans la tradition brésilienne, celle d'un Machado de Assis (mais sans son ironie), qu'il reprend dans une perspective critique. On pourrait parler ici d'un régionalisme universaliste, à l'opposé du particularisme ou du tellurisme traditionnels dans le roman nordestin, centré ici non sur le paysage mais sur l'homme – non l'homme social, mais l'être humain intérieur, solitaire, frustré essentiellement et existentiellement, révolté plus que révolutionnaire. Seul Vidas Secas (Sécheresse), récit de vachers survivant difficilement dans leurs errances, pourrait rappeler la veine régionaliste. Mais São Bernardo, histoire d'un ouvrier agricole devenu grand propriétaire et se conduisant dans sa vie privée avec la violence qu'il a employée pour réussir, ou Angustia (Angoisse), analyse intérieure du drame d'un médiocre compensant sa faiblesse par le crime sont des récits tortueux et pathétiques, écrits à la première personne, qui dévoilent un écrivain de l'introspection, plus proche de Dostoïevski, voire de l'existentialisme que du naturalisme pittoresque ou social. À l'écart donc des mouvements littéraires par sa contention, et idéologiques, par son pessimisme, Graciliano Ramos est l'écrivain du héros problématique, celui qui entérine la rupture entre le moi et le monde.
Bibliographie
S. Brayner dir., Graciliana Ramos. Fortuna critica, Rio, 1977
A. Candido, Ficcão e confissão, Rio, 1956 ; Tese e Antitese, São Paulo, 1964 / M. Carelli & W. Galvão, Le Roman brésilien au XXe siècle, P.U.F., Paris, 1995
F. A. Christovão, Graciliano Ramos, Estructura[...]
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Écrit par
- Pierre RIVAS : maître de conférences honoraire de littérature comparée, université de Paris-X-Nanterre
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