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GRACQUES (LES)

Les deux frères Tiberius et Caius Sempronius Gracchus furent tribuns de la plèbe, le premier en 133 avant J.-C., le second en 123-121, et auteurs de deux tentatives révolutionnaires pour résoudre le problème agraire et donner de nouvelles bases à l'État romain. Ces essais de réformes se heurtèrent à l'opposition des grandes familles sénatoriales et furent, à onze ans de distance, noyés dans le sang au bout de quelques mois. Les deux tribunats des Gracques marquent cependant une profonde coupure dans l'histoire de la république romaine : malgré le martyre de leurs auteurs, beaucoup des mesures législatives proposées ou réalisées par eux devaient leur survivre et modifier durablement la constitution de Rome.

Leur dessein principal, la réforme agraire, put être en partie accompli. La culture, l'élévation de pensée, l'éloquence qui plaçaient ces deux frères bien au-dessus de leurs contemporains, frappèrent l'imagination. La mort tragique des Gracques inaugura l'ère des guerres civiles. Leur exemple, décrié ou exalté, fut constamment invoqué par des hommes comme Marius ou César. Les Gracques sont toujours un sujet de polémique ; ce qui est sûr, en tout cas, c'est que leurs vies, qui inspirèrent à Plutarque et à Appien des pages admirables, furent à plus d'un titre exemplaires.

La Rome du IIe siècle avant J.-C.

Milieu social et formation politique

Tiberius (né en 163) et Caius Gracchus (né en 154) appartiennent à l'oligarchie sénatoriale la plus représentative, et, à première vue, la moins désignée pour promouvoir la révolution. Leur père, Tiberius Sempronius Gracchus, fils de consul, lui-même deux fois consul, censeur en 169, avait fait une carrière politique et militaire exemplaire dans l'orbite des Scipions ; il avait épousé Cornelia, la seconde fille de Scipion l'Africain, héritière de la culture, du talent mais aussi de la morgue de son père. Les Gracques se trouvent donc apparentés aux plus grandes familles de Rome : Sempronia, leur sœur aînée, épousera Scipion Émilien, héritier du nom de l'Africain, mais fils de Paul-Émile, le vainqueur de Persée. Tiberius, quant à lui, s'unira à la fille d'Appius Claudius Pulcher, consul en 143, censeur en 136 (qui sera l'un des inspirateurs de sa loi agraire), et Caius, de dix ans son cadet, épousera la fille de P. Licinius Crassus, qui était le frère d'un personnage très influent, Q. Mucius Scaevola, Grand Pontife. Ces alliances situent donc les Gracques au cœur de ces groupements de familles et d'intérêts que l'on désignait sous le nom de factions, et qui, grâce aux alliances électorales, au jeu des clientèles, aux protections réciproques et aux marchandages au sein du Sénat, se transmettaient jalousement l'essentiel du pouvoir. Toutefois, la conquête de celui-ci n'était pas leur but exclusif, et les principales d'entre elles avaient leurs traditions qui leur inspiraient des attitudes assez différentes à l'égard des problèmes politiques.

Les fils de Tiberius Gracchus le Censeur avaient reçu une éducation particulièrement soignée. Tiberius avait eu des maîtres grecs ou hellénisés, le philosophe stoïcien Blossios de Cumes, le rhéteur Diophane de Mytilène, dont on ne connaît guère la personnalité ni la doctrine, mais que la tradition représentera par la suite comme responsables des égarements révolutionnaires du tribun. Mesurer l'influence qu'ont pu avoir ces hommes et ces doctrines sur les Gracques est essentiel pour bien comprendre leur œuvre. Car, depuis l'Antiquité, deux interprétations s'opposent radicalement à leur sujet : ou bien ce sont les héros d'une tentative sincère de réforme et les martyrs d'une cause démocratique, ou bien des oligarques plus ambitieux que les autres qui n'auraient pas hésité, dans leur quête du pouvoir personnel, à recourir à la démagogie. Certains ont suggéré[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à la faculté des lettres et sciences humaines de Caen

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