GRAFFITI
Allusions littéraires
Si les graffiti des civilisations antiques ont fait l'objet d'études savantes, on trouve aussi de nombreuses références aux graffiti modernes dans la littérature française. Balzac en parle avec aversion dans son roman Ferragus (« dans un temps où la rue Pagevin n'avait pas un mur qui ne répétât un mot infâme »). Regnard nous renseigne, dans son Voyage en Laponie, sur la motivation des auteurs des graffiti commémoratifs en nous racontant pourquoi lui et ses compagnons ont laissé la trace de leur passage en pays lointain : « Nous fûmes occupés le reste de ce jour, et toute la matinée du mardi, à graver sur une pierre des monuments éternels, qui devaient faire connaître à la postérité que trois Français n'avaient cessé de voyager qu'où la terre leur avait manqué, et que, malgré les malheurs qu'ils avaient essuyés, et qui auraient rebuté beaucoup d'autres qu'eux, ils étaient venus planter leur colonne au bout du monde, et que la matière avait plutôt manqué à leurs travaux que le courage à les souffrir. » Ce qu'ils exprimèrent dans l'inscription latine :
Gallia nos genuit ; vidit nos Africa, GangemHausimus, Europamque oculis lustra vimus[omnem :Casibus et variis acti terraque marique,Hic tandem stetimus, nobis ubi defuit orbis. de fercourt, de corberon, regnard.
Henri de Monfreid décrit, dans Les Secrets de la mer Rouge, des graffiti trouvés à Obock dans un ancien pénitencier français : « Je vois les cellules [...] dont les murs portent des inscriptions naïves ou obscènes, des dates, des graffiti. »
L'auteur français qui s'associe le plus étroitement au phénomène des graffiti est Restif de La Bretonne. Il recueillit ses propres graffiti sous le titre Mes inscripcions (sic), les complétant au fur et à mesure par des notes et les traduisant du latin en français. Cet ouvrage, unique en son genre, souvent attendrissant, est d'un très grand intérêt pour comprendre non seulement les mobiles des auteurs de graffiti, mais aussi ceux des auteurs de tout geste apparemment gratuit et anonyme : « Ce fut en 1779, le 5 novembre, à l'époque de mon premier mal de poitrine, que je commençai d'écrire sur la pierre, à l'Île Saint-Louis : cette première inscripcion est à la dixième pierre à gauche du Pont-Rouge, en y entrant par l'Île. Je la fis dans cette idée : verrai-je cette marque l'année prochaine ? Il me semble que, si je la revoyais, j'éprouverais un sentiment de plaisir, et le plaisir est si rare, vers l'automne de la vie, qu'il est bien permis d'en rechercher l'occasion ; cette date ne portait que ces mots : 5a 9bris malum. » En parlant d'une autre de ses « inscripcions » : « Elle est ainsi écrite : 4â septembris, sans auqu'une note ; elle sera très intéressante dans deux ans ». Voici l'un des graffiti les plus émouvants de Restif de La Bretonne, surtout pour la traduction libre qu'il en donne : « 5 jun. Sara apud Lavalette : vidi amatum rivalem. Dolor noctè. (Sara chès Lavalette. J'ai vu que mon rival était aimé : ma douleur est sans bornes. Je brûle de fureur pendant la nuit.) »
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Écrit par
- Glen D. CURRY : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
- Scott H. DECKER : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
- William P. MCLEAN : docteur en ethnologie de l'université de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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