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GRAFFITI

Contenu psychologique

L'hypothèse si répandue qui veut que les graffiti soient uniquement le fait d'obsédés, d'enfants ou d'oisifs est sans fondement. Les graffiti commémoratifs des amoureux, des pèlerins et des voyageurs constituent déjà une classe qui dément cette supposition. Les graffiti révolutionnaires et autres graffiti politiques, les graffiti protestataires sur affiches dont il a été question ci-dessus sont d'autres démentis qui montrent que les auteurs des graffiti sont aussi dissemblables dans leur caractère que les graffiti peuvent l'être dans leur contenu. Si l'on peut, à la rigueur, assimiler le mot pig (cochon), tracé au doigt avec le sang d'une de ses victimes par l'assassin psychopathe de la vedette de cinéma Sharon Tate, aux initiales, dates et messages commémoratifs que l'on trouve si souvent sur la surface des sites historiques, en postulant qu'ils sont tous issus d'une même motivation : le désir de laisser un souvenir plus durable que soi-même devant l'anonymat de la mort, il serait néanmoins ridicule d'avancer que celle-ci soit la seule motivation de tous les auteurs de graffiti. On peut supposer, au contraire, que les divers mobiles qui les animent correspondent à la diversité des catégories des graffiti. En plus des graffiti commémoratifs, des graffiti politiques et des graffiti protestataires, il existe des graffiti érotiques ou pornographiques en général, des graffiti érotiques initiatiques par lesquels les adolescents s'enseignent mutuellement la physiologie des organes sexuels, des graffiti-exercices d'école, des graffiti-annonces d'homosexuels, des graffiti de prisonniers, des graffiti humoristiques, des graffiti signalétiques de gitans et de vagabonds qui ont un sujet tout autre que le « moi ».

On ne doit pas exclure non plus de ce catalogue les graffiti qui, à cause de leur qualité expressionniste accusée, tendent à faire croire qu'ils représentent, pour leurs auteurs, un moyen de s'exprimer sans souci de savoir si quelqu'un d'autre découvrira ou non leur œuvre. La façon dont l'homme manipule la matière du monde a toujours représenté une manière de le « penser » en le découvrant. Il y a toute raison de croire que certains graffiti témoignent de ce rapport entre leurs auteurs et les surfaces qu'ils emploient. Vue dans cette perspective, cette catégorie représente moins les résultats d'actes délibérément destructeurs ou insubordonnés que des gestes irréfléchis de reconnaissance.

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Écrit par

  • : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
  • : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
  • : docteur en ethnologie de l'université de Paris
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Média

Graffiti à New York - crédits : L. Morin

Graffiti à New York

Autres références

  • ART URBAIN

    • Écrit par
    • 2 727 mots
    • 4 médias
    ...en effet sur la côte est des États-Unis un mouvement esthétique promis à une diffusion internationale : le writing (nom donné par les Anglo-Saxons au graffiti d'inspiration new-yorkaise et que les graffeurs préfèrent à celui, trop générique, de graffiti). Porté par l'essor du Civil Rights Movement,...
  • BANKSY (1974- )

    • Écrit par
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    ...classe ouvrière, les très rares personnes qui acceptent d'évoquer sa biographie disent qu'il appartiendrait à la classe moyenne. À l'âge de quatorze ans, il se mêle à la scène graffiti du quartier de Barton Hill (Bristol), mais s'écarte rapidement des normes esthétiques du milieu, qui proscrit toute autre...
  • BASQUIAT JEAN MICHEL (1960-1988)

    • Écrit par
    • 963 mots
    ...cartes postales et de sweat-shirts illustrés – le rapprochent d'une forme de culture populaire extrêmement vivace dans le New York des années 1970 : les graffitis. Organisés en une société hiérarchisée, les auteurs de Tags (« signatures ») doivent franchir toutes sortes d'épreuves avant de pouvoir...
  • BRASSAÏ GYULA HALÁSZ dit (1899-1984)

    • Écrit par
    • 1 866 mots
    • 1 média
    Parallèlement, depuis 1932, Brassaï photographie desgraffitis anonymes dessinés ou gravés sur les murs de la capitale. Il s'agit d'« objets trouvés » repérés lors de ses marches et rassemblés pour leur valeur poétique. On y voit des visages bruts, qui font écho à ceux des personnages étranges rencontrés...
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