GRAFFITI
Ethnologie
On a déjà vu qu'il est difficile de parler de graffiti à propos des manifestations graphiques des peuples sans écriture. Il faut supposer, néanmoins, qu'il existe chez certains de ces peuples des expressions gratuites, plus ou moins irréfléchies, que l'on pourrait qualifier de graffiti. Maintenant que le phénomène général des graffiti semble intéresser davantage les chercheurs, on peut voir paraître des études sur les graffiti de ces peuples. Cependant, on ne doit pas oublier que la présence de graffiti suppose déjà un certain développement technologique et social qui autorise la distinction entre l'art formel et l'art populaire. Ces conditions n'existent pas partout. Les pygmées Babinga, par exemple, sont un peuple dont les manifestations plastiques et graphiques non transformatoires, non technologiques sembleraient être réduites à quelques scarifications du visage.
Quand Marcel Griaule découvrit des graffiti en Éthiopie, il constata une organisation culturelle complexe dans laquelle une classe sacerdotale puissante jouait un rôle important. Les rites, les pratiques et la mythologie de l'Église abyssine imprègnent toute la vie de cette société. Les graffiti se trouvent pour la plupart sur les montants, les marches et les battants en bois des portes et fenêtres d'églises, les bâtiments les plus importants des villages où l'enquête de Griaule fut menée. Ils ont surtout pour sujet des prêtres, des chantres et des personnages de l'histoire et de la mythologie chrétienne tels que le diable, saint Sébastien, des saints cavaliers, etc.
Aucune étude des graffiti des pays orientaux n'est encore parue, mais les graffiti figuratifs népalais ont constitué le sujet d'une documentation sommaire, réalisée au cours de l'été 1967 par l'ethnologue Khem Bahadur Bista. On peut remarquer qu'ils comportent le motif cordiforme, une figuration de la tête humaine tout à fait cohérente avec l'art formel népalais, des stries, des piquetages, des superpositions, des dessins employés dans des jeux et des représentations d'objets familiers.
La signification exacte du motif cordiforme dans les graffiti orientaux, et surtout dans les graffiti des pays bouddhistes, est discutable. Dans les graffiti népalais, il se trouve tantôt mêlé à d'autres motifs abstraits, à proximité de la représentation de la tête, tantôt associé, par une syntaxe douteuse, à une autre forme, plus ou moins abstraite, rappelant la représentation habituelle du sexe masculin dans les graffiti occidentaux. On peut donc postuler que l'apparition de ce motif dans les graffiti népalais est due à une influence occidentale, ou bien qu'il a été créé par les Népalais eux-mêmes, qu'il signifie l'amour sentimental ou qu'il représente le sexe féminin. On peut également avancer – compte tenu de l'iconographie traditionnelle des pays bouddhistes – qu'il représente la feuille du Ficus religiosa, l'arbre de la sagesse, c'est-à-dire le figuier sous lequel Bouddha aurait découvert la sagesse ultime. Ce motif, d'ailleurs, ne ressemble pas parfaitement au cœur de l'iconographie occidentale, n'étant pas indenté dans sa partie supérieure, alors qu'un motif cordiforme tout à fait semblable au motif occidental se présente à l'envers dans l'art formel népalais : il représente le gland du pénis.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Glen D. CURRY : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
- Scott H. DECKER : professeur de criminologie et de justice pénale à l'université du Missouri, Saint Louis (États-Unis)
- William P. MCLEAN : docteur en ethnologie de l'université de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Média
Autres références
-
ART URBAIN
- Écrit par Stéphanie LEMOINE
- 2 727 mots
- 4 médias
...en effet sur la côte est des États-Unis un mouvement esthétique promis à une diffusion internationale : le writing (nom donné par les Anglo-Saxons au graffiti d'inspiration new-yorkaise et que les graffeurs préfèrent à celui, trop générique, de graffiti). Porté par l'essor du Civil Rights Movement,... -
BANKSY (1974- )
- Écrit par Stéphanie LEMOINE
- 1 126 mots
...classe ouvrière, les très rares personnes qui acceptent d'évoquer sa biographie disent qu'il appartiendrait à la classe moyenne. À l'âge de quatorze ans, il se mêle à la scène graffiti du quartier de Barton Hill (Bristol), mais s'écarte rapidement des normes esthétiques du milieu, qui proscrit toute autre... -
BASQUIAT JEAN MICHEL (1960-1988)
- Écrit par Élisabeth LEBOVICI
- 963 mots
...cartes postales et de sweat-shirts illustrés – le rapprochent d'une forme de culture populaire extrêmement vivace dans le New York des années 1970 : les graffitis. Organisés en une société hiérarchisée, les auteurs de Tags (« signatures ») doivent franchir toutes sortes d'épreuves avant de pouvoir... -
BRASSAÏ GYULA HALÁSZ dit (1899-1984)
- Écrit par Anne de MONDENARD
- 1 866 mots
- 1 média
Parallèlement, depuis 1932, Brassaï photographie desgraffitis anonymes dessinés ou gravés sur les murs de la capitale. Il s'agit d'« objets trouvés » repérés lors de ses marches et rassemblés pour leur valeur poétique. On y voit des visages bruts, qui font écho à ceux des personnages étranges rencontrés... - Afficher les 12 références