SWIFT GRAHAM (1949- )
Né à Londres le 4 mai 1949, Graham Swift est resté attaché à son Angleterre natale qu’il dépeint avec minutie dans ses œuvres de fiction. Auteur de deux recueils de nouvelles et onze romans publiés sur une période de quarante années, Swift figurait dès 1983 parmi les vingt meilleurs jeunes romanciers britanniques sélectionnés par le magazine Granta, aux côtés de Martin Amis, Julian Barnes, Kazuo Ishiguro, Ian McEwan et Salman Rushdie. Il partage avec ces auteurs une propension à l’enchevêtrement d’histoires personnelles et collectives, et une conscience aiguë de la difficulté d’accéder aux drames lancinants du passé. Les univers fictionnels de Swift, tramés de mort et de mélancolie, manifestent une attention fine aux détails de la vie ordinaire, un maniement subtil de la voix narrative, une virtuosité stylistique et un indéniable talent de conteur.
Histoire collective et drames personnels
Dès ses premiers romans, Le Marchand de douceurs (1980) et L’Affaire Shuttlecock (1981), Graham Swift s’attache à exhumer des tragédies privées profondément enfouies. Il les relie à l’événement national et international majeur que fut la Seconde Guerre mondiale, qui marque tout autant les personnages de Hors de ce monde (1988) et de La Dernière Tournée (1996), récompensé par le Booker Prize. L’œuvre de Swift, écrite sur le mode de la quête et de l’enquête, s’inscrit ainsi dans le va-et-vient constant entre la grande et la petite histoire, entre le présent et plusieurs strates du passé. Dans Le Pays des eaux (1983), le professeur Tom Crick enseigne la Révolution française à des élèves qui redoutent une apocalypse nucléaire, et tente parallèlement de rassembler les fragments épars de son passé familial torturé dans une narration qui évolue au gré de détours et digressions. Conscient du fait que l’histoire se répète, Crick aspire néanmoins à construire un récit où un enchaînement cohérent de causes et d’effets lui permettrait de donner un sens à des destinées individuelles et nationales. Dans À tout jamais (1992), la narration tisse des fils entre le présent où Bill Unwin mène un difficile travail de deuil après la mort de son épouse et son suicide manqué, sa propre enfance troublée par la mort de celui qu’il croyait être son père et une époque plus ancienne, révélée par les carnets d’un ancêtre victorien qui mettent en évidence l’ébranlement de sa foi après qu’il fut confronté aux doctrines scientifiques de Lyell et Darwin. Dans J’aimerais tellement que tu sois là (2011), le retour de la dépouille d’un soldat tué en Irak bouleverse la vie de son frère. Elle vient ranimer la mémoire de ses ancêtres morts pendant la Première Guerre mondiale et de ses parents défunts, anciens propriétaires d’une ferme décimée par l’épidémie de la vache folle. D’autres ouvrages plongent dans l’intimité d’histoires d’amour interdites, troublantes et sensuelles ; celles qui lient la meurtrière d’un mari infidèle et un détective privé obsédé par Napoléon (La Lumière du jour, 2002), une domestique orpheline et un jeune héritier qui doit se marier prochainement et dont les frères sont morts pendant la Première Guerre (Le Dimanche des mères,2016), mais aussi des couples légitimes ou adultérins dans Demain (2007), réflexion sur la filiation, et Le Grand Jeu (2020) qui ressuscite le monde évanoui des saltimbanques d’après-guerre.
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Écrit par
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
Classification
Média