- 1. Définition médiévale d'une science grammaticale
- 2. La Renaissance : élargissement des horizons, maintien des traditions, stagnation de la réflexion théorique
- 3. La représentation classique : l'idéal d'unité de la grammaire générale
- 4. Le XIXe siècle : dimension historique et disciplines spécifiques
- 5. L'héritage du structuralisme : quelle science de la grammaire ?
- 6. Après Chomsky
- 7. Bibliographie
GRAMMAIRES (HISTOIRE DES) Du Moyen Âge à la période contemporaine
La Renaissance : élargissement des horizons, maintien des traditions, stagnation de la réflexion théorique
À la Renaissance, volonté humaniste de restaurer les belles-lettres et volonté bourgeoise de préparer les rédacteurs pour les administrations royale ou pontificale, raniment la tradition italienne d'une grammaire à but pratique (ars dictandi), appuyée sur la rhétorique et fondée sur l'usage des classiques latins. Idéal que symbolisent les Elegantiae (1444) de Laurent Valla et qui tue le latin vivant des universitaires, théologiens et logiciens. Celui des humanistes, résurrection artificielle d'une langue morte, demande un long apprentissage, objet des débats pédagogiques à venir. Il s'enseigne d'abord sans souci de théorie (grammaires de Guarino Veronese, 1418, de Perotti, 1461) ; on met ensuite l'accent sur la syntaxe, mais, finalement, on attaque les grammaires médiévales et, avec Érasme, les modes de signifier (Percival) : victoire de la « littérature » sur la dialectique (Durkheim). On n'étudie plus le signifié grammatical, au mieux on fonde sur le signifiant (sous l'influence de Varron [ ?], Ramus oppose mots avec/sans nombre = nom, verbe/mot indéclinable) des classifications dichotomiques et préstructuralistes (Chevalier).
Éveil des nations, développement des littératures et des traductions en vulgaire, désir de prouver que sa langue a, comme la latine, des règles, font naître les grammaires des vernaculaires ; celles du Moyen Âge : Donatz provençal, ou, vers 1400, Donat françois, lié à l'enseignement du français en Angleterre, s'expliquaient par le statut international ou officiel de ces langues, et l'excellente description de la phonologie de l'islandais au xiie siècle (First Grammatical Treatise, Haugen éd., Longman, Londres, 1972), par les nécessités de la graphie. Pierre Hélie avait seulement conçu la possibilité d'une grammaire universelle du français (Fredborg). L'italien de Dante, Pétrarque, Boccace mérite les premières grammaires humanistes d'une langue moderne (Alberti, Regole della lingua fiorentina, vers 1450 : Percival). Allemand et anglais attendent la leur jusqu'en 1573 (Laurentius Albertus, Albert Ölinger) et 1586 (Bullokar), mais la grammaire espagnole de Nebrija (1492), les françaises de Palsgrave (1530) en anglais et de Meigret (1550) en graphie phonétique témoignent déjà d'un haut niveau dû en grande partie aux grammaires latines (ou, pour Palsgrave, à celle, grecque, de Gaza, 1495 : Percival) auxquelles elles empruntent leur cadre théorique. Dubois s'inspire même (Isagôgê, 1531) de leur contenu, rapprochant le plus possible les formes françaises de leurs étymons latins, influençant même Rabelais (Huchon). Meigret et Ramus refusent le tour c'est moi, c'est lui, inacceptable pour la syntaxe latine (Chevalier). Les débats théoriques portent naturellement sur le latin grammaticalisé depuis des siècles, alors que le français pose encore des problèmes de description (pour l'article, par exemple, cf. Chevalier, passim).
Face aux grammaires d'usage, J. C. Scaliger maintient non plus sur quelques exemples inventés, mais sur les textes classiques, les grands principes modistes : pour cet aristotélicien, le langage, invention d'une humanité primitive, trahit sa pauvreté devant la richesse de la Création, mais aussi sa rationalité imparfaite, quoique perfectible, qui, bien perçue, en facilite l'apprentissage. Encore faut-il distinguer, avec les modistes, le signifié grammatical du lexical : nom et verbe, par exemple, s'opposent, comme dans l'univers permanence et changement, mais en termes non de signification, mais de consignification : blancheur, année signifient un accident, une durée, mais sous le mode du permanent (De causis linguae latinae, 1540). Par lui (et Thomas d'Erfurt),[...]
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Écrit par
- Jean-Claude CHEVALIER : professeur à l'université de Paris-VII-Denis-Diderot
- Jean STÉFANINI : professeur à l'université de Provence, chaire d'histoire de la langue française
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
Classification
Autres références
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