GRANDE MURAILLE, Chine
La « Longue Muraille de 10 000 li » (Wanli Changcheng) s'étend effectivement sur quelque 5 000 kilomètres (1 li = 0,5 km) si on tient compte des ondulations du relief, qu'elle épouse fidèlement, des branches secondaires et du doublement de certaines sections. À vol d'oiseau, la Muraille actuelle couvre une distance d'environ 2 700 kilomètres de la passe de Jiayuguan (à Jiuquan au Gansu), à l'orée de l'Asie centrale, à celle de Shanhaiguan (au nord-est de Pékin) sur les rives du golfe du Bohai.
Une histoire qui s'étend sur plusieurs siècles
Chronologiquement, on distinguera une préhistoire et trois périodes. La préhistoire, ce sont des murailles qu'édifient les principautés de la période des Printemps et des Automnes (le Qi au Shandong, dès vers — 450) et de celle des Royaumes combattants (le Wei, le Qin et le Chu dans l'intérieur, le Zhao, le Zhongshan et le Yan à la frontière nord du monde chinois) pour se protéger les unes des autres, ou contre les barbares septentrionaux. Ces murs défensifs, souvent bâtis le long des rivières, en des zones menacées, servaient à protéger les principautés des populations qu'elles avaient progressivement repoussées plus au nord en les dépossédant de leurs territoires. Ces « proto-murailles », dont il ne reste aucune trace, ne sont sans doute que des levées de terre protégées par des fossés.
La première version de la Grande Muraille proprement dite suit de peu l'unification vers — 221 de la Chine par Qin Shi Huangdi (qui règne de — 221 à — 210), qui poursuit une politique expansionniste aux dépens des Xiongnu dans les Ordos. L'ouvrage, long de quelque 5 000 kilomètres, part de Lintao (sud du Gansu), franchit le fleuve Jaune et en suit le cours jusqu'au sommet de la « boucle », d'où il oblique vers l'est pour parcourir les steppes méridionales de la Mongolie-Intérieure (où il connecte plusieurs murailles de la période précédente qui sont ainsi réunies, prolongées et consolidées), jusqu'au golfe du Bohai, avec une prolongation probable en Mandchourie et jusque dans la presqu'île du Liadong, à la frontière de la Corée. À la fin du iie siècle, vers — 117, les Han prolongent ce tracé vers l'ouest jusqu'à la passe de la porte de Jade (Yumenguan), un peu au-delà de Dunhuang, afin de protéger le corridor du Gansu des incursions des Xiongnu. La Muraille des Qin et des Han matérialise l'avancée septentrionale extrême des territoires sous contrôle chinois. Les empiétements barbares en Chine du Nord pendant la période de fragmentation qui suit vont repousser cette frontière jusqu'à plusieurs centaines de kilomètres au sud.
Ce n'est qu'aux ve et vie siècles que les Wei, puis les Qi septentrionaux, enfin les Sui édifient de nouveaux ouvrages pour se protéger des peuplades opérant plus au nord. Le double tracé, « extérieur » et « intérieur », édifié par les Qi, vers 555-556, entre Datong (nord du Shanxi) et la passe de Shanhaiguan, se situe plus au sud que celui de la Grande Muraille des Qin et des Hans. Pour contenir les pressions exercées par les Tibétains et les TurcsTujue, qui avaient fondé un empire dans les steppes, entre le lac Baïkal et la vallée de l'Ili, à l'ouest du Winjiang actuel, les Sui édifient en 585 une muraille de 350 kilomètres de longueur à travers le désert des Ordos, dans la boucle du fleuve Jaune.
Les Tang, les Song et les Yuan se désintéressent de ce type de défense. La troisième et dernière version de la Muraille est construite par les Ming (1368-1644) en plusieurs « tranches » coïncidant avec les phases de plus grande activité des fédérations mongoles qui menacent le Nord de l'empire (capture de l'empereur en 1449 par les Oïrat, attaques d'Altan Khan au milieu du xvie s., etc.). L'ancienne[...]
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Écrit par
- Pierre-Étienne WILL : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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