GRANDE MURAILLE, Chine
De la défense à la communication
La Muraille des Qin et des Han était en terre battue, munie par endroits de parements en brique séchée, ou de renforcements en bois ou en fer. Il reste d'importants fragments de l'extension occidentale du mur Han, à moitié enfouis dans les sables, hauts d'au moins quatre mètres et garnis de tours en maçonnerie hautes d'une dizaine de mètres. La structure de la Muraille actuelle, notamment dans sa partie orientale, est une création des Ming. Le mur, haut de 7 à 10 mètres, est surmonté de parapets garnis de créneaux, qui peuvent atteindre presque 1,50 mètre de hauteur, afin d'empêcher les soldats et les chevaux de tomber. Les parois sont légèrement inclinées (avec une largeur de 6,50 m à la base et de 5,80 m au sommet), afin d’en accroître la solidité. Le mur se compose d'un cœur de terre ou de blocaille tassée entre deux parois de brique ou de pierre de taille, selon les disponibilités des matériaux de construction, soigneusement jointoyés afin d'éviter les infiltrations d'eau. Des fossés de drainage facilitent l'écoulement des eaux de pluie. L'ensemble repose sur un socle de pierre, dont les lits suivent le contour du terrain. Généralement situés à l'intersection de routes commerciales, les bastions servant d'abri et de tour de guet (la muraille en comportait 20 000 à l'époque Ming) sont espacés de 120 mètres environ, et les tours d'alarme (ou « tours à fumée ») s'élevant de 3,50 à 4 mètres au-dessus du rempart proprement dit sont distantes de quelques kilomètres. Les passes d'un accès difficile sont défendues par d'imposantes forteresses. À l'intérieur, des rampes permettent l'accès des chevaux. À certains endroits stratégiques, on comptait jusqu'à neuf murailles successives. La disposition de la muraille varie beaucoup en fonction de la nature du terrain, elle culmine à 3 000 mètres d'altitude tandis que son point le plus bas est situé à 2,50 mètres sous le niveau de la mer. Ainsi, certaines sections font office de digue.
Dès ses origines, la Muraille a eu pour fonction spécifique de contenir le choc des cavaleries nomades opérant par surprise le long d'une frontière immense. Correctement entretenue et administrée, elle y a sans doute largement réussi. C'était aussi une voie de communication efficace, avec ses relais postaux et ses tours d'alarme capables de transmettre des informations codées sur des centaines de kilomètres en quelques heures. En effet, le chemin de ronde est assez large pour que cinq chevaux y circulent de front. Les troupes pouvaient être concentrées avant qu'une tentative d'assaut n'ait eu le temps d'aboutir. La première ligne de défense s'appuyait en effet sur toute une organisation de cantonnements, de forteresses et de colonies militaires, lesquelles étaient un élément important de l'infrastructure économique qu'on a essayé, avec des succès variables, d'établir en arrière de la Muraille. On a beaucoup de détails sur la gestion de ces forces et sur leur vie quotidienne à l'époque des Han grâce aux documents administratifs sur planchettes retrouvés sur certains sites à l'extrémité occidentale de l'ouvrage. Sous les Ming, le commandement était réparti entre neuf régions militaires frontalières. Sous les Qing, l'établissement du protectorat mandchou sur la Mongolie retire à la Muraille sa signification militaire, mais elle continue de matérialiser la frontière entre la Chine propre et la steppe, et permet un certain contrôle sur les mouvements de population aux passes.
On est peu renseigné sur les effectifs engagés dans la construction de la Muraille (d'abord les troupes elles-mêmes, mais aussi des corvéables et des forçats) et sur les techniques de génie civil utilisées. On estime que sous[...]
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Écrit par
- Pierre-Étienne WILL : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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