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INVASIONS GRANDES

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La dénomination de « grandes invasions » est traditionnellement appliquée par les historiens de langue française aux invasions et migrations qui ont affecté le territoire de l'Empire romain et de ses États successeurs, en Europe et en Afrique du Nord, entre la fin du ive et la fin du viie siècle, ces deux limites étant prises approximativement. Les historiens de langues germaniques préfèrent employer des termes analogues à l'allemand Völkerwanderung, « migration de peuples », qui ont l'avantage de ne pas se placer au point de vue romain. Il vaut mieux renoncer au vocable d'« invasions barbares », qui domine dans l'historiographie ancienne, mais qui risque d'être mal compris, quoique « barbare » y signifie seulement « qui n'est ni grec ni romain ».

L'histoire des grandes invasions est difficile à écrire Les sources disponibles sont rares ; elles sont presque toujours unilatérales, provenant du seul milieu romain ; sauf les Ostrogots et les Anglo-Saxons, les envahisseurs n'ont presque rien écrit. On doit donc s'efforcer, pour obtenir une image satisfaisante, de compléter les données des textes par un recours aux moyens d'information les plus variés : archéologie, linguistique, onomastique, anthropologie, etc. Mais plusieurs de ces sciences annexes sont d'un emploi délicat et l'interprétation des résultats qu'elles obtiennent doit rester extrêmement prudente. Trop de théories incertaines sont constamment échafaudées ; si parfois elles stimulent utilement la recherche, il faut savoir prendre ses distances envers beaucoup d'entre elles et surtout, dans un grand nombre de cas, se résigner à ignorer.

Les grandes invasions, à la charnière de l'Antiquité et du Moyen Âge, ne sont qu'une tranche chronologique d'un immense mouvement migratoire orienté principalement d'est en ouest et du nord au sud, qui a affecté l'Europe et la moitié septentrionale de l'Asie du iie siècle avant notre ère au xiiie siècle après, de la ruée des Cimbres et des Teutons vers la Méditerranée à l'irruption des Mongols en Europe en 1237-1241. On isole cette tranche de celles qui la précèdent et la suivent en se fondant sur ses conséquences, envisagées du point de vue de l'Europe occidentale : c'est la période qui vit la ruine de l'Empire romain en Occident et la création sur son ancien territoire d'une série de nouveaux États, d'origine surtout germanique, dont plusieurs sont directement les ancêtres des formations politiques de l'Europe moderne et contemporaine.

Cependant, par leur nature, les mouvements enregistrés du ive au viie siècle ne diffèrent pas fondamentalement de ceux qui se placent avant ou après ces dates. Presque aucun d'entre eux n'est purement local. Ils forment un immense enchaînement d'interdépendances qui affectent près de la moitié de l'Ancien Monde. Mais c'est encore un sujet de vives discussions que de savoir comment on doit relier les phénomènes qui se déroulèrent en Europe à ceux qui atteignirent le monde chinois, par exemple dans le cas des Huns ou dans celui des Avars.

On retrouve pour les grandes invasions les problèmes généraux que posent toutes ces migrations. Dans quelle mesure ont-elles été causées, ou du moins favorisées, par des phénomènes naturels, dessèchement de l'Asie centrale ou montée du niveau de la mer sur les côtes allemandes par exemple ? Nos connaissances sont encore trop rudimentaires pour permettre de vérifier ces inductions, au demeurant vraisemblables. Quelle fut l'importance des faits démographiques ? Elle paraît a priori certaine pour l'expansion germanique ou l'expansion slave par exemple, mais aussi impossible à mesurer qu'à expliquer clairement. Peut-on assigner un rôle à des croyances religieuses ou à des rites sociaux dans le déclenchement de certaines migrations,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Caen

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Médias

Grandes Invasions, IV<sup>e</sup>-V<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grandes Invasions, IVe-Ve siècle

300 à 400. Christianisme - crédits : Encyclopædia Universalis France

300 à 400. Christianisme

400 à 500. Royaumes barbares - crédits : Encyclopædia Universalis France

400 à 500. Royaumes barbares

Autres références

  • DÉBUT DES GRANDES MIGRATIONS

    • Écrit par
    • 201 mots

    Dès le iiie siècle avant notre ère, il y eut de multiples mouvements de peuples germaniques à partir de l'Europe du Nord, mais qui ne menacèrent pas directement le monde romain, sinon par des raids sans lendemain, notamment au milieu du iiie siècle de notre ère. L'année 375 marque...

  • EMPIRE ROMAIN ET BARBARES AU IVe SIÈCLE - (repères chronologiques)

    • Écrit par
    • 259 mots

    325 Réforme de l'armée par Constantin qui institue une armée de manœuvre et une armée de frontière.

    351 Bataille de Mursa, la plus sanglante du ive siècle, durant la guerre civile entre l'empereur Constance II et l'usurpateur Magnence.

    357 Victoire de l'armée romaine sur les...

  • AFGHANISTAN

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    • 37 316 mots
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    ...civilisé, décrit par les historiens classiques. Ces tribus ont joué un rôle souvent déterminant dans la destinée des grandes puissances de l'Antiquité, en Europe aussi bien qu'en Asie, et en Extrême-Orient. Car, habitant des régions peu fertiles, ils se mettaient de temps en temps en mouvement, poussés par...
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    Dès le iiie siècle, alors que la romanisation progressait, les Britanno-Romains durent faire face à diverses menaces extérieures. Au nord, les Pictes multiplièrent les raids contre le « mur d'Hadrien », à l'arrière duquel ils suscitèrent des troubles. À l'ouest, le littoral subit les incursions des...
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