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INVASIONS GRANDES

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La deuxième vague (Ve-VIe siècle)

L'Empire n'était pas mort du choc des premières invasions. En Orient, après la catastrophe d'Andrinople, il s'était pleinement ressaisi et la frontière danubienne avait été reprise en main pour près de deux siècles. C'est de l'Asie, et plus spécialement de la Perse sassanide, que vint pour lui au cours des générations suivantes la menace la plus dangereuse. En Occident, il avait bien fallu tolérer, sous le couvert d'un traité d'alliance (foedus), le cantonnement de troupes germaniques accompagnées de toute une population civile dans quelques enclaves comme la région genevoise, l'Aquitaine, la Galice et l'Afrique. Mais, au milieu du ve siècle, une autorité impériale commandait toujours à peu près partout, sauf dans la lointaine Bretagne, à une administration civile strictement hiérarchisée et à quelques armées de campagne qui, bien que formées de Barbares, obéissaient à peu près à ses ordres et maintenaient en tout cas le prestige de Rome.

L'une de ces armées était établie dans le nord-est de la Gaule, avec Soissons pour quartier général. La deuxième couvrait les accès orientaux de la plaine du Pô et Ravenne, la capitale. La troisième, moins importante, stationnait en Dalmatie. Bien qu'isolées les unes des autres, ces armées constituaient encore une force appréciable et leur loyalisme envers l'idée romaine n'était pas douteux, même s'il hésitait quelquefois devant les fantoches que les coteries plaçaient sur le trône. Très compromise, la cause de Rome en Occident n'était pas encore tout à fait perdue.

Mais, faute d'argent – en dépit d'une pression fiscale écrasante –, ces troupes n'étaient pas régulièrement soldées. Or elles avaient sous les yeux le spectacle des « alliés » barbares auxquels le foedus avait permis d'obtenir une rétribution en terres dans le cadre de l'« hospitalité ». En 476, l'armée d'Italie se souleva en réclamant des terres. Son chef, un Germain, Odoacre, d'origine skire, s'établit à Ravenne, déposa l'empereur-enfant Romulus Augustulus (lui-même fils d'un ancien secrétaire d'Attila), distribua des terres à ses troupes et fut proclamé roi par celles-ci ; mais il eut la sagesse de respecter la fiction impériale, en faisant allégeance au souverain de l'Orient, Zénon, qui feignit de s'en accommoder. Comme l'armée d'Italie était un agglomérat de nationalités diverses, l'affaire ne déboucha pas sur la naissance d'un État germanique solide. On a vu que Théodoric l'Ostrogot en vint à bout sans trop de peine dix-sept années plus tard.

Les fidèles de Rome qui survivaient hors d'Italie ne reçurent plus aucune impulsion commune. L'armée de Dalmatie tenta de faire un empereur. Celle de Gaule se comporta en entité autonome sous ses maîtres de la milice, Aegidius et son fils Syagrius, qui pendant une dizaine d'années eurent autant de liberté d'action que les rois barbares, leurs voisins. Des civils, entraînés par quelques sénateurs, tentèrent de créer un refuge romain en Auvergne, mais furent balayés par le roi visigot Euric. D'autres, issus plutôt de l'aristocratie municipale, avaient aussi essayé de prendre en main le gouvernement local de la Bretagne et de l'Armorique. En Gaule et dans le nord de l'Espagne, une révolte assez générale des classes rurales, la bagaude, ajoutait au désarroi.

Royaumes germaniques, seconde moitié du VIe siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Royaumes germaniques, seconde moitié du VIe siècle

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Caen

Classification

Médias

Grandes Invasions, IV<sup>e</sup>-V<sup>e</sup> siècle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Grandes Invasions, IVe-Ve siècle

300 à 400. Christianisme - crédits : Encyclopædia Universalis France

300 à 400. Christianisme

400 à 500. Royaumes barbares - crédits : Encyclopædia Universalis France

400 à 500. Royaumes barbares

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