GRANDEUR PHYSIQUE
La physique s'intéresse à des aspects du monde naturel suffisamment stables et définis pour que les notions qui en rendent compte puissent être mathématisées, et souvent numérisées. Elles deviennent ainsi des « grandeurs physiques ». Le caractère quantitatif des grandeurs physiques est lié à la possibilité de les mesurer à l'aide de procédures fiables et cohérentes, et de leur attribuer ainsi des valeurs numériques. L'opération de mesure consiste à comparer la grandeur qu'il s'agit d'évaluer à une grandeur étalon de même nature prise conventionnellement comme unité ; le rapport entre la grandeur mesurée et cet étalon fournit la valeur numérique de la grandeur en termes de l'unité choisie. Ainsi, la donnée numérique d'une grandeur physique est dépourvue de sens si elle ne s'accompagne pas de l'indication de l'unité choisie. Un changement d'unité – qui modifie cette valeur –, est toujours possible et parfois souhaitable : il est plus parlant de mesurer les distances stellaires en années-lumière plutôt qu'en mètres.
L'exemple le plus simple est celui des grandeurs géométriques usuelles, longueurs, aires, volumes – la géométrie étant ici entendue comme une physique de l'espace. Cet exemple suffit à montrer que, pour acquérir un caractère quantitatif, les grandeurs physiques ne perdent nullement leur spécificité qualitative. Longueurs, aires et volumes sont des grandeurs de types distincts, et les unités correspondantes sont de nature différente. Cet exemple montre aussi que, si l'on peut choisir arbitrairement les unités correspondant à chaque type particulier de grandeur physique, il est souvent commode d'utiliser des relations théoriques entre ces grandeurs pour définir certaines de ces unités à partir d'autres, réduisant ainsi l'arbitraire. Ainsi, en choisissant pour unité d'aire celle d'un carré ayant pour côté l'unité de longueur, on obtient la relation simple qui donne l'aire d'un rectangle (en mètres carrés) comme le produit des longueurs de ses côtés (en mètres). Dans le cas où l'on aurait adopté des unités de longueur et d'aire indépendantes, par exemple le pied et la paume, l'expression donnant l'aire du rectangle ferait intervenir une constante numérique (le rapport entre la paume et le pied carré).
Un exemple un peu plus élaboré, et qui d'ailleurs est au fondement du développement de la physique moderne (depuis le xviie siècle), est celui de la vitesse. Pour donner à la notion intuitive de vitesse le statut de grandeur physique, on pourrait commencer par adopter une unité de vitesse, correspondant au mouvement d'un mobile standard dans des conditions définies, et mesurer les vitesses par comparaison directe avec cet étalon. Mais la définition et la fixation d'un tel étalon de vitesse – précis, stable, et reproductible – est de toute évidence plus difficile que la détermination et la conservation d'un étalon de longueur ou de masse ; pour les mêmes raisons, la comparaison directe d'une vitesse quelconque à un tel étalon engagerait des procédures assez complexes. Aussi a-t-on depuis Galilée, et jusqu'à tout récemment, défini la vitesse de façon indirecte, par le rapport de l'espace parcouru au temps mis à le parcourir (en supposant cette vitesse constante sur le trajet considéré). Il faut apprécier à sa juste valeur la novation qu'a représentée cette introduction du rapport de deux grandeurs de nature différente : jusque-là, la théorie euclidienne des proportions ne permettait d'envisager que le rapport de deux grandeurs de même nature. Ainsi ramenée aux grandeurs fondamentales que sont l'espace et le temps, la vitesse acquiert donc un statut secondaire, dérivé, et se voit dotée d'une unité qui est elle-même le rapport des unités d'espace[...]
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Écrit par
- Jean-Marc LÉVY-LEBLOND : professeur émérite à l'université de Nice
Classification
Autres références
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CONSTANTE, physique
- Écrit par Jean-Marc LÉVY-LEBLOND
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