GRANDS SINGES

Brève histoire de l'étude des grands singes

L'intérêt pour les grands singes est ancien. Dès l'Antiquité, des voyageurs rapportent l’observation d’espèces considérées à l’époque comme des hybrides entre humains et singes. C'est au xviii^e siècle qu'ont débuté les premières descriptions des espèces de grands singes, non plus fondées sur des récits de voyageurs mais sur des observations directes de jeunes individus ramenés vivants (mais qui ne survivaient pas bien longtemps) et des dissections de leur cadavre. Les premiers rares spécimens vivants (forte mortalité au cours du voyage) arrivent en Europe au cours des xvii^e et xviii^e siècles. Ce sont souvent des individus très jeunes. L’un d’entre eux est assez connu : il s'agit du chimpanzé Jocko, une jeune femelle arrivée en France au début des années 1740 et confiée à Buffon, alors intendant du Jardin du roi (ancêtre du Museum national d’histoire naturelle). Ce naturaliste l’a étudiée (la qualifiant, à tort, d’orang-outan) puis naturalisée à sa mort. Sa dépouille et son squelette sont conservés au Muséum national d'histoire naturelle, constituant le plus vieil animal naturalisé de cet établissement. Au xix^e siècle, de plus en plus de spécimens sont capturés et envoyés, vivants ou morts, en Europe. En 1847, le gorille est scientifiquement décrit par les Américains Thomas Staughton Savage (1804-1880) et Jeffries Wyman (1814-1874), et distingué du chimpanzé.

Au début du xx^e siècle commencent les premières observations scientifiques comportementales avec une volonté d'utiliser les grands singes, et notamment le chimpanzé, comme modèles pour étudier la psychologie. Un des précurseurs est l’Américain Robert Yerkes (1876-1956). C'est le début de toute une période de recherche où les grands singes sont étudiés pour leurs capacités d’apprentissage (mémoire, langage, résolution de problème, etc.).

Parallèlement, les journaux, les écrivains et les artistes s'approprient cette figure des grands singes. C’est par exemple l'époque de King Kong, gorille géant et figure emblématique du cinéma. Des spectacles mettaient aussi en scène des chimpanzés (le plus connu de tous étant Consul, incarné par un jeune chimpanzé remplacé dès que son prédécesseur décédait) qui, vêtus comme des humains, reproduisaient leurs gestes et postures, provoquant l'hilarité du public. Les situations humaines les plus imitées concernaient l'heure du thé, où des chimpanzés assis à table buvaient du thé dans des tasses, ou encore l’heure du coucher. Certains jeunes chimpanzés faisaient aussi du vélo ou jouaient de la musique. Ce type de spectacle n'est plus désormais éthiquement acceptable car il nécessite un dressage, parfois violent, et ne permet absolument pas de faire connaître l'espèce, son mode de vie et les menaces qu'elle subit.

C'est aussi au cours de cette première moitié du xx^e siècle que se développe la médecine moderne, avec notamment le recours à l'expérimentation et la biologie médicale. Là encore, les grands singes, et particulièrement le chimpanzé, vont servir de modèles d'études pour comprendre la physiopathologie de certaines maladies, tester des médicaments et des vaccins, etc.

Dans les années 1960, les études de terrain vont se développer, notamment grâce aux « Anges de Leakey » (Leakey's Angels), trois étudiantes du préhistorien et anthropologue Louis Leakey (1903-1972) parties observer le comportement des grands singes dans leur milieu naturel. Il s'agit de la Canadienne Biruté Galdikas (née en 1946) pour les orangs-outans, de l’Américaine Dian Fossey (1932-1985) pour les gorilles (sa vie ayant fait l’objet du film Gorilles dans la brume en 1988) et de la Britannique Jane Goodall (née en 1934) pour les chimpanzés. Ces campagnes de terrain vont[...]