GRANT ARCHIBALD ALEXANDER LEACH dit CARY (1904-1986)
Si, dans les années 1930, le cinéma italien avait créé un univers de « téléphones blancs », Hollywood, dans ses films, avait également su concevoir un environnement sans aspérités, où les stars évoluaient avec élégance et nonchalance, tout en s'adaptant aux situations les plus trépidantes des screwball comedies. Le jeune comédien Cary Grant (de son vrai nom Archibald Leach), de nationalité anglaise, y trouva tout naturellement sa place. Il avait pour atouts supplémentaires humour et dandysme.
Originaire de Bristol, en Grande-Bretagne, Cary Grant, après avoir travaillé dans un cirque comme acrobate, arrive aux États-Unis dans les années 1920 et occupe plusieurs emplois avant d'interpréter des rôles de « jeune premier chantant » à Broadway. Remarqué par un talent scout de la Paramount il rejoint Hollywood où il devient le partenaire de deux grandes stars, Marlene Dietrich, dans Blonde Vénus de Josef von Sternberg (1932), et Mae West, dans Lady Lou de Lowell sherman (1933). Mae West décèle vite en lui des qualités différentes et l'oriente vers des rôles fantaisistes pouvant faire figure de contre-emploi pour les jeunes premiers traditionnels de l'époque.
Quelques rôles établissent son image de marque : Je ne suis pas un ange (1933), son interprétation de la tortue dans l'adaptation d'Alice au pays des merveilles de Norman McLeod (1933), et surtout sa composition de charmeur « cockney » dans Sylvia Scarlett de George Cukor (1935) où, retrouvant ses origines anglaises, il essaie de composer un personnage voisin de ceux de Jack Buchanan et Noel Coward, monstres sacrés de la scène londonienne. C'est aux côtés de partenaires féminines comme Irene Dunne, Katharine Hepburn ou Constance Bennett qu'il définit le mieux son style fait de désinvolture, de cynisme, voire de muflerie. Dans ces brillantes comédies que sont Le Couple invisible de N. Mcleod (1936), Cette Sacrée Vérité de Leo Mac Carey (1937), L'Impossible Monsieur Bébé de Howard Hawks (1938), il n'hésite pas à jouer les ahuris, les savants farfelus – rôles qu'on aurait pu croire réservés à des acteurs de composition. Engendrant d'insurmontables catastrophes, sommé de choisir entre deux épouses, manipulé par l'imagination perverse des scénaristes, il sort toujours indemne de ces situations périlleuses. Cary Grant touchera quand même à d'autres genres cinématographiques, comme le film d'aventures, avec Gunga Din (1939), ou Seuls les anges ont des ailes (1939). Il saura également adopter avec aisance les règles et conventions des mélodrames les plus « larmoyants », tel La Chanson du passé qui fut un grand succès de box-office en 1941.
Cary Grant garde à chaque fois ce détachement amusé et cette étincelle malicieuse dans le regard qui allaient tant séduire Alfred Hitchcock, qui fit de lui un personnage ambigu, dans la lignée des compositions de son compatriote, I'acteur Claude Rains. Dans Soupçons (1941), tourné au côté de Joan Fontaine, il cultive ce mystère : est-il injustement soupçonné par sa femme ou cherche-t-il, tout en sourires, à l'empoisonner réellement ? Cette rencontre fascinante d'un acteur et d'un réalisateur se poursuivra avec Les Enchaînés (1946), puis La Main au collet (1955) pour trouver son aboutissement dans La Mort aux trousses (1959).
Cary Grant, quelle que soit son ambiguïté, acquiert auprès des spectateurs un formidable capital de sympathie. Le public voit d’abord en lui un acteur de comédies et ne le suit pas dans des compositions plus dramatiques comme Rien qu'un cœur solitaire, réalisé par le dramaturge Clifford Odets (1944), ou dans Night and Day de Michael Curtis (1946), où il prête ses traits au compositeur Cole Porter. Quelques comédies mineures, Deux sœurs vivaient en paix (1947), Un million, clés en main (1948), La Course au mari (1948),[...]
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Écrit par
- André-Charles COHEN : critique de cinéma, traducteur
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Médias
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