GRAVEURS SUR BOIS ROMANTIQUES
La gravure sur bois de bout a été importée en France par un graveur anglais, Charles Thompson. Appelé par Ambroise Firmin Didot en 1817, il forma un atelier avec des compatriotes et, peu à peu, des disciples français, et suscita rapidement une émulation sur place avec des graveurs concurrents, comme Brevière à Rouen ou Durouchail à Paris. Tout au long de la période romantique, le rôle des graveurs anglais reste important, soit qu'ils travaillent à Paris, soit qu'ils gravent à Londres des bois destinés aux éditeurs français : ainsi, Branston, Sears, Orrin Smith, Timms, Quartley... Au début, leur rôle tient à une quasi-exclusivité technique, puisque les graveurs sur bois français sont très peu nombreux et travaillent en province, alors que les grands éditeurs sont concentrés dans la capitale. Par la suite, lorsqu'ils ont formé des disciples et que des graveurs issus des milieux de l'imagerie, comme Porret, d'origine lilloise, se sont installés à Paris, la demande reste si forte, en particulier pour la presse illustrée, que les éditeurs, tels Curmer, continuent à faire appel aux Anglais. Outre Porret, Birouste, Godard fils, Maurisset, Thiébaut, Laisné, Cherrier, Lacoste, Dujardin signent des vignettes romantiques.
Dans le premier tiers du siècle, l'offre en matière de vignettes, fleurons et polytypages (reproduction du bois gravé par cliché sur une plaque en métal) apparaît du ressort de l'imprimeur, comme une excroissance de l'art du typographe. C'est ainsi que Balzac, imprimeur ayant acquis les polytypages de l'imprimeur Gillé (dont le catalogue datait de 1808), est l'un des premiers, après Didot, à promouvoir l'emploi du bois gravé d'illustration, lorsqu'il fait appel en 1825 au dessinateur Achille Devéria. Par la suite, des ateliers indépendants de graveurs se constituent, qui signent du nom de la firme ou de ses associés ; ils vendent leurs vignettes sur catalogues ou réalisent des illustrations spécifiques à la demande des éditeurs qui leur fournissent les bois, dont ils restent propriétaires : le monogramme ABL (Andrew Best et Leloir) est l'un des plus répandus sous la monarchie de Juillet. Pour les grands journaux, comme L'Illustration (créé en 1843), les équipes de graveurs se relaient jour et nuit. À Tours, l'imprimeur Mame se spécialise dans l'édition des livres de Prix et possède, sous le second Empire, son propre atelier de gravure, dont le chef des travaux techniques est un Anglais fixé en France, John Quartley.
À partir des années 1830, le métier de graveur sur bois s'est inscrit dans des structures éditoriales renouvelées, où prennent place deux éminents partenaires, le dessinateur d'illustrations et l'éditeur de « pittoresques ». Tony Johannot, dont le nom est accolé en général à celui du graveur Porret, est, avec J.-J. Grandville, l'une des figures autour desquelles se cristallise le nouveau métier d'illustrateur, dont le principal héritier, sous le second Empire, sera Gustave Doré, soucieux de l'importer par son crayon sur la plume de l'écrivain et le pinceau du peintre. Quant à l'éditeur, il est le véritable maître du jeu, comme l'indique le témoignage du peintre et dessinateur d'illustrations Gigoux, qui évoque son travail pour l'illustration de Gil Blas, en 1835, le premier ouvrage illustré de vignettes par centaines : « ... dès les premières livraisons du Gil Blas, Dubochet avait entrevu une entreprise excellente. Aussi ne me quittait-il plus de la journée. À peine mon bois était-il esquissé qu'il le portait à la gravure, sans me laisser le temps de le finir » (Causeries sur les artistes de mon temps). Ce livre fut aussi le premier à se vendre par livraisons. Pour l'éditeur, c'était une manière d'échelonner les coûts et les recettes, car la gravure[...]
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Écrit par
- Ségolène LE MEN : professeur des universités, membre de l'I.U.F., professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Paris-ouest Nanterre-La Défense
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Média
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